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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
LA RÉPUTATION
Ce livre est une enquête réalisée par une journaliste qui a passé un an dans la ville de Creil. Il s'articule autour de deux grands axes. le premier porte sur l'assassinat de la jeune Shaïna, poignardée et brûlée vive par son petit ami dont elle était enceinte. le second est une radiographie de la ville de Creil avec comme fil rouge la condition de la femme dans cette ville de l'Oise.
Le récit du viol en réunion d'abord, puis du meurtre est glaçant mais ce qui intéresse avant tout la journaliste ce sont les raisons et les conditions qui ont conduit à ce dénouement effroyable. Pour cela elle s'appuie sur les témoignages des jeunes filles qui ont connu Shaïna et de ceux qui l'ont côtoyée. Ils sont à replacer dans leur contexte :
♦ le contexte religieux. Rigorisme absolu qui interdit tout rapport sexuel avant le mariage.
♦ le contexte social. 80 % de la population est issu de l'immigration. 100 nationalités différentes. Communautarisme. Barres d'immeuble. Déscolarisation. Fort taux de chômage.
♦ le contexte parental. Archaïsme des préjugés. Traditions moyenâgeuses qui se perpétuent etc.

Il en résulte (liste non exhaustive) :
♦ Une domination masculine justifiée par la religion musulmane.
♦ Une chape de plomb qui couvre et écrase la sexualité des adolescents.
♦ Des garçons désoeuvrés prenant pour cible des jeunes filles à qui ils « fabriquent » une réputation de filles faciles. Ces groupes de garçons font régner leurs lois, leurs interdits. Ils sont une vraie « brigade des moeurs ». Et les filles, sans cesse sous le regard des hommes, vont devenir leurs victimes.
♦ Une vie très encadrée par la religion. « C'est important qu'une fille soit vierge pour le mariage, le garçon aussi. C'est même un très grand péché de ne pas l'être. »
♦ Elles portent le plus souvent un voile, non par soumission à l'islam, mais pour échapper au regard des garçons et à l'hyperharcèlement dont elles sont victimes.
♦ Mise à mort de certaines de ces « filles faciles ». Les hommes tuent celles qu'ils ont souillées - si elles sont enceintes - pour protéger leur propre image et ne pas souiller leur réputation et leur honneur. On ne transige pas avec l'impureté. « Sil y a une rayure, on est déshonorés. »
♦ Par crainte de stigmatiser les musulmans le crime sexuel est passé sous silence. Un musulman ne peut se livrer à de telles avanies.

Tout cela se passe aujourd'hui, sous nos yeux, dans certains territoires de notre République. Terrifiant.

En ce qui concerne l'anatomie de la ville de Creil (70500 h.) -et des cités semblables- je laisse la parole à Laure Daussy.
♦ « Creil est un microcosme...un village à la fois multiculturel et replié sur lui-même. Un laboratoire des problématiques des cités. »
♦ « Entre 70 et 80 % des élèves s'avèrent être non francophones. A l'âge de 3 ou 4 ans ils ne parlent pas un mot de français. C'est une des conséquences de l'ultra-communautarisation du quartier. »
♦ «  A Creil, quand une femme s'installe dans un lieu public, elle est considérée comme « en recherche d'hommes » et pas à sa place.
♦ « Le meurtre de Shaïna a cruellement révélé à quel point certaines jeunes femmes sont encore en proie au pire du sexisme dans certaines cités. « Sexisme », un mot qui semble trop faible pour décrire de telles horreurs, une haine et une peur si profondes. (Dans ces quartiers) vêtements, fréquentations, attitude, tout y est scruté. Des règles tacites s'instaurent, jamais remises en cause, relayées par certaines filles elles-mêmes.
On ne naît pas « fille facile », on le devient. Par la pression des réputations, qui oeuvrent, comme une épée de Damoclès, pour décider de ce qui est respectable ou non...A Creil, ces réputations se fabriquent dans un contexte de repli identitaire, d'échec scolaire, de chômage, de pauvreté, de rigorisme religieux. Ces éléments, combinés ensemble, ont créé de véritables ghettos sexistes. »

Je pourrais citer le livre en entier. Il est édifiant sur la condition féminine dans ces lieux oubliés de la République et il est urgent de traiter ce problème avant qu'il ne soit trop tard et qu'il ne gangrène notre société toute entière.



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Quelle dissonance entre l'exaltation des associations féministes cette semaine pour célébrer l'IVG dans la constitution et la lecture de l'enquête de Laure Daussy qui démontre qu'à Creil, les femmes n'ont pas accès à l'avortement.
La maternité est fermée, le médecin qui proposait des avortement à domicile (pilule abortive) n'y exerce plus. Les informations données aux jeunes femmes qui appellent le numéro national pour avoir des informations sur l'IVG sont erronées, elles doivent se rendre dans la ville voisine qui n'est pas desservie par les transports en commun.

En fait, l'avortement n'est même pas la question dans ce livre. Les femmes sont loin de revendiquer le droit à l'avortement, elles ne sortent pas dans la rue pour célébrer la récente modification constitutionnelle. Non, les femmes restent chez elles et se font discrètes.
Au moindre soupçon, elles deviennent des putes aux yeux du quartier. Des filles faciles, des salopes. Celles qui font des choses.
Par faire des choses, on entend tenir la main d'un garçon dans la rue, avoir un petit ami, des relations sexuelles. Se faire violer est également reprehendé : elle n'est plus vierge, elle est salie.
Quand une fille est considérée comme une pute (et cela va très vite, à 13 ans et via une vidéos sur snap ou une fausse rumeurs d'une autre copine jalouse), elle devient une proie.
Elle est harcelée, agressée, parfois tuée.

Shaina, 15 ans est morte poignardée puis brûlée vive par son petit ami alors qu'elle était enceinte de lui.
Il est loin le combat pour l'IVG.
Shaina est morte parce que le garçon ne voulait pas assumer l'enfant d'une pute. Les gens de la cité le comprenne, le défende.

Dans cette enquête , Laure Daussy livre avec courage la réalité des femmes en banlieue.
Harcelée, humiliée, contrainte de se cacher et de se trahir entre elles. Elles s'adaptent à la loi du plus fort, quel autre choix ?
Exclues du domaine public (elles ne peuvent pas boire de verre en terrasse), exclue de relations sociales libres, exclues d'un système scolaire qui ne les soutient pas, exclues de la justice qui n'a pas (ou ne mets pas) les moyens pour les protéger …
A l'heure où le mouvement #metoogarcon prend de l'ampleur, les femmes de Creil n'ont jamais entendu parler de #metoo.

Ce livre est édifiant, révoltant et engage toute la société à se mobiliser pour que toutes les femmes aient les mêmes droits, que l'on naisse à Toulouse ou à Creil.
Il engage le mouvement féministe à ne pas avoir peur de s'engager dans ce combat et à se libérer des réticences politiques antiracistes qui poussent à se boucher les oreilles et à fermer les yeux.
Dénoncer les conditions des femmes dans les quartiers ne sert aucun parti politique, ces combats servent les femmes victimes.

Ce livre se lit rapidement et n'échappe pas aux phrasés journalistiques assez communs dans des investigations: on cite par exemple p15 «  peut être aurais-je pu être victime des mêmes violences que Shaina. Nous pourrions toutes être Shaina. » ou p67 « les filles de la génération de Shaina partent de Creil pour d'autres horizons. Shaina ne pourra jamais le faire. »
Cela alourdit le récit mais n'enlève aucunement l'intérêt des propos de l'autrice qui livre un travail nécessaire qui sera, je l'espère, exploité pour améliorer les conditions de vie des femmes dans les quartiers.

Quand à moi, je retourne éduquer mes trois fils pour qu'ils ne portent jamais de tels jugements sur une femme.
C'est peut être le plus grand des combats : éduquer les hommes.

Merci à Babelio et Les échappés pour l'envoi de ce livre.
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Dans cet ouvrage glaçant, l'autrice et journaliste revient sur l'histoire de Shaïna, jeune fille de la banlieue parisienne assassinée à 15 ans par son petit ami à cause de sa réputation de « fille facile ». Depuis ce fait atroce, Laure Daussy dresse le portrait de quartiers trop souvent oubliés des luttes féministes où s'ajoute au sexisme et aux violences qui ont cours partout ailleurs, un contrôle total et permanent sur la vie des filles. Un ouvrage essentiel et puissant qui permet d'éclairer un problème d'urgence vitale et invite à changer les mentalités pour que toutes les femmes puissent être libres d'injonctions sans avoir à craindre pour leur intégrité ou leur vie.
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Une enquête aussi glaçante qu'intéressante. Sans jamais chercher à stigmatiser les banlieues et sa population, il s'agit de chercher à comprendre le terreau fertile qu'elles représentent pour des formes particulières de violence contre les femmes qui y vivent. Pourquoi elles prennent racines, pourquoi elles s'y pérennisent. L'autrice et journaliste pointe du doigt cette espèce de chape de plomb diffus qui tient plus du collectif, d'une force invisible et ancrée, de la réaction de meute. Impossible de pointer la responsabilité sur des individualité mais plutôt sur un ensemble de facteurs qui font que rien ne change et à commencer par la culture patriarcale qui domine le monde et qui, pour Shaïna, a pris une forme brutale et sans pitié. le problème est toujours le même : c'est la dominance des hommes, le regard qu'ils portent sur les femmes et que ces dernières intègrent à leur corps défendant dans la majeure partie des cas. C'est effrayant et terrible, c'est un couperet qui nous menace toutes.
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