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Critique de yanndallex


Plus qu'une BD, cet ouvrage est un véritable documentaire très instructif pour les jeunes générations (et les moins jeunes aussi évidemment !)


La couverture, le livre :


Le livre est épais et massif comme si son contenu allait nous donner un coup de massue… et c'est le cas !
Il est de belle confection comme la grande majorité des ouvrages de l'éditeur Futuropolis !
La couverture est à la fois sombre et intrigante, mettant en scène le célèbre général de Gaule droit comme un chef d'état mais avec cette tache de sang latérale évoquant ainsi un impair, un probable lourd secret ou autre obscure révélation…
Le quatrième plat est plus évocateur d'investigations et met en scène les deux courageux enquêteurs.
Le résumé évoque parfaitement le contenu du livre.


Le dessin, le style, la mise en scène:


Etienne Davodeau, bien connu pour son oeuvre (avec entres autres Rural !, Chute de vélo, les mauvaise gens, lulu femme nue, les ignorants, le chien qui louche etc…) nous conte son enquête avec son style si particulier à mi-chemin entre le schématique caricatural et un humanisme réaliste.
Encore une fois, il se met en scène, avec son ami et partenaire d'aventure Benoit Collombat, mais cette fois-ci, à l'instar d'un splendide « vis ma vie » comme "les ignorants", il participe activement à l'enquête menée sur ces sombres évènements des années 70.
Avec son trait fluide et rapide, son minimalisme de mise en scène alterné avec quelques scènes incroyablement détaillées, Etienne Davodeau sait donc très bien donner vie à ces personnages et témoignages comme si nous regardions un véritable documentaire filmé. L'exercice de captiver le lecteur sur des propos ou situations plutôt statiques, à travers un dessin, est incroyablement difficile mais pas pour Monsieur Davodeau, qui lui s'offre le plaisir de 218 pages haletantes et absolument pas rébarbatives !
Ainsi la narration des interviews et/ou de l'épluchage de preuves administratives, souvent illustrée par des anecdotes ponctuelles totalement hors du sujet principal, n'est absolument pas lassante (comme pourrait l'être une voix off lancinante). Les petits intermèdes ponctuelspermettent donc de se libérer l'esprit pour mieux reprendre le cours de l'enquête… une sorte de pause visuelle…
Le dynamisme est aussi rendu par des jeux de perspectives probantes, des mises en scènes variées avec des plans tailles, gros plans, vue d'ensemble, etc...
Il y a peu d'effets et rien de fictionnel (comme des plongées ou contre plongée...), tout reste sur un cadrage humains.
Quant aux couleurs…
Et bien cette BD est entièrement en teinte entre noir et blancs, usant ainsi d'aplat et de lavis en différentes tonalités de gris et jouant parfaitement avec les ombres et lumières… Un style adopté depuis un bon bout de temps par Etienne Davodeau mais toujours aussi efficace et agréable.

Le scenario, le découpage :


Ce livre construit comme une véritable contre-enquête et documentaire journalistique sur les obscurs évènements des années 70. Benoit Collombat, grand reporter, spécialiste de ces affaires, apporte toute l'expertise nécessaire pour bien appréhender le sujet, et de manière synthétique afin de ne pas perdre le lecteur. Il est d'ailleurs l'auteur du livre « Affaire Boulin, un homme à abattre » aux éditions Fayard, dont Etienne Davodeau fait référence dans les pages de la BD.


Ainsi cette investigation est construite de manière chronologique, suivant donc le cours des évènements, du braquage de l'hôtel des postes par le gang des lyonnais (membres présumés du SAC) jusqu'à l'assassinat de Robert Boulin, ministre du travail de 1978-79. Seul impair, l'introduction en matière qui aborde directement l'assassinat du juge François Renaud, mais cela se justifie car il enquêtait sur le braquage des banques…


Ce reportage est donc incroyablement riche et documenté, mais cela ne représente certainement rien en regard de ce que les auteurs ont pu éplucher, interviewer, etc… jusqu'à rencontrer des présumés criminels !!


Et le plus exceptionnel dans ce travail méticuleux, c'est que chaque interviews ou rencontres dessinées par monsieur Davodeau ont été soumises au préalable aux personnes témoins afin d'approuver et d'entériner leur propos et de s'assurer que ceux-ci n'ont pas été mal interprétés et/ou transformés. Les auteurs respectent aussi évidemment les conditions demandées par certains témoins comme cette femme qui demande à ce que l'on ne la dessine pas (elle apparait donc sous les traits d'une autre personne…) !


Certaines interviews sont tout bonnement extraordinaires et riche d'informations comme celle du cinéaste Yves Boisset par exemple…


Heureusement, Etienne Davodeau, fort de son expérience sait que si l'on impose une enquête de cette ampleur en un bloc, cela devient rapidement indigeste. Il a donc le génie de parsemer la BD d'anecdotes sympathiques comme les dépositions farfelues de certains membres du SAC, quelques guêpes qui volent la vedette, et ces entre-deuxpresque comiques où les auteurs tentent d'obtenir un RDV avec Charles Pasqua


Le découpage est particulièrement agréable avec de grandes cases aérées, des bords de vignettes tracés à la main, guerre plus de 6 cases par page, et un texte « à l'équilibre » vis-à-vis du dessin. En effet, on aurait pu croire qu'avec la quantité d'informations et d'interviews réalisées, le texte aurai pris une place considérable face au dessin, mais les auteurs ont trouvé un bon équilibre, et les lecteurs ne sont pas noyés dans une lecture longue et fastidieuse… Quelques fantaisies de découpage sont à noter comme des vignettes sans bordures, notamment dans les fameux intermèdes « Charles Pasqua », qui renforcent cette impression d'échec, de solitude, de silence comme si l'on devait taire les évènements…
Ce découpage est vraiment bien réussi.


Cet ouvrage est donc édifiant d'informations, de « scoops », et de vérités cachées. (Comme ces membres du SAC payés et envoyés pour taper des syndicalistes au moment où ces institutions montaient en force en contrepoids d'un patronat presque dictatorial, ou bien cette historiette citant Mr Sarkozy faisant référence à l'assassinat de Robert Moulin lors d'une campagne électorale…)


Cependant ma contre impression a été tout de même une sensation de « non structuration » de la BD (même si elle est parfaitement structurée) de par son volume de révélations et la cohésion de l'ensemble de l'ouvrage qui ne tient qu'à ce seul fil conducteur qu'est le SAC.
Le nombre sidérant de rencontres et de témoins peut aussi faire perdre le fil de la lecture (car certains témoins reviennent quelques pages plus tard…)


Ceci dit, ce livre reste extraordinaire, inquiétant et bluffant. Il dévoile ainsi un monde sombre, cruel, où magouilles et escroqueries sont reines. Une vrai mafia française totalement ignorée par de nombreux citoyens, et dont nos amis transalpins n'ont rien à nous envier…
Ce livre mérite donc d'être dans les bonnes bibliothèques et j‘accorderai un bon 16/20 à l'exposé si je devais le noter…

Lien : http://www.7bd.fr/2016/04/ch..
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