L'art et les artistes, tome 16 : Octobre 1912 à Mars 1913

ALBERT DURER, CUBISTE
On n'invente jamais rien. Nos bons rapins de Montparnasse ou de Montmartre, qui étonnent si grandement certains mécènes fortement teintés de snobisme en leur faisant des mandolines qui ressemblent à des jeux de cartes, et des femmes en bleu qui ont de vagues apparences de bateaux-lavoirs, sont des retardataires. Il y a quatre siècles que l'on fait du cubisme, et que l'on sait ce qu'en vaut l'aune. Seulement, autrefois,- on se servait du cubisme ; on ne l'offrait pas tout cru à l'amateur, au public bénévole ; on était cubiste dans l'atelier, chez soi, pour s'instruire; et lorsque l'on produisait une oeuvre véritable, on devenait « rondiste ». si j'ose dire, rondiste comme les seins, comme le corps, comme les arbres, les plantes, comme tout ce qui vit enfin, puisqu'il n'y a que dans les traités de géométrie et dans les toiles de nos modernes fumistes, que les harengs saurs sont en losange, et les femmes en forme de hareng saur.

LOUIS DAVID ET SES ÉLÈVES
On a beaucoup écrit sur ce sujet sans qu'il existe encore pour cela d'ouvrage absolument complet sous tous rapports.
M. Jules David, le petit-fils du peintre illustre des Sabines, a élevé à la gloire de son aïeul un monument remarquable en un ouvrage rempli de documents historiques du plus haut intérêt, mais où l'élément critique fait presque totalement défaut. J. E. Delécluze, élève du maître, et littérateur plus que peintre, a publié des Souvenirs sur Louis David, son Ecole et son temps, livre abondant en révélations curieuses, en observations judicieuses, mais plein de lacunes. De nos jours, quelques écrivains d'art se sont efforcés de condenser en peu de pages l'énorme matière amassée par leurs prédécesseurs et y ont ajouté un résumé critique qui semble porter un jugement définitif sur des talents tour à tour admirés et combattus et que la postérité paraît avoir mis à leur véritable point.
L'oeuvre sur Louis David et ses Élèves, j'entends l'oeuvre parfaite avec tous les développements qu'un sujet aussi considérable comporte, reste donc à faire. Dans une certaine mesure, l'exposition qui va prochainement s'ouvrir au Palais des Beaux-Arts de la Ville de Paris, y suppléera.