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Critique de milan


milan
07 novembre 2017
Qu'est ce que c'est Berlin Alexanderplatz? Première réponse-la plus évidente et la plus directe-: c'est l'histoire de Frantz Biberkopf, un pauvre bougre, qui après avoir purgé quatre années d'emprisonnement pour avoir tué sa femme, décide de changer de vie, et de rester honnête coûte que coûte. Cependant, malgré tous ses efforts et ses bonnes intentions, il n ' y parviendra pas.Ensuite, il y a le livre culte, celui que tout le monde décrit comme monument unique de la littérature mondiale. Pourquoi? principalement par son style. L'écriture de Döblin ( du moins dans ce roman) est plus que de simples mots, ceux sont des images, des sons, des envolées lyriques ( pas beaucoup) au milieu d'un fatras d'argot, le tout englué dans les bruits de la ville, des tramways, des passants, des marchands ambulants, des flics, des voleurs, des prostitués, des enseignes de magasins, des titres et articles de journaux ...On pense tout de suite à Joyce pour le style et à Céline pour l'ambiance, et certains passages sont atroces à lire tant ils sont réalistes, comme le long, très long chapitre décrivant la chaîne des opérations dans les abattoirs de la ville . Sans oublier les monologues intérieurs, dignes de la plus pointue des psychanalyses, et des invectives directes de l'auteur envers son lecteur......Mais il y a autre chose.....autre chose sur quoi on n'arrive pas à mettre le doigt, et qui turlupine tout au long de la lecture. Autre chose qui fait penser qu'au delà de ces évidences, se cache une particularité. Et puis, bam!!! Magie de la lecture, on comprend!!. Qu'es ce que c'est Berlin Alexanderplatz? et bien c'est la grandeur des petites choses, c'est l'exceptionnel dans le banal, dans le quotidien, dans le commun. Et cet exceptionnel, Döblin nous le fait sentir tout d'abord par l'attention minutieuse qu'il donne à absolument toute chose, mais sans peser, naturellement. Ensuite, par une tendresse ressentie en filigrane, ou du moins une sorte d'invitation, peut être pas à l'indulgence (Döblin n'est pas tendre avec ses personnages) mais à la compréhension, à l'acceptation de ces destins qui oscillent entre lutte et résignation. Et au cas où cet exceptionnel n'est pas encore assez évident, et bien Döblin invite carrément le sacré et le religieux pour orner son texte, à l'aide de personnages à l'allure et au discours bibliques. Ainsi, l'existence de monsieur tout le monde, les petits événements de sa petite vie, deviennent un élément d'un tout qui a un sens....sacré justement....peut être une manière d'excuser certaines existences misérables. Dans l'édition que j'ai lue, il y a un chapitre intitulé: Les villes de l'homme et son âme, par R.WFassbinder, réalisateur d'une adaptation du roman....et ce chapitre à lui seul vaut le détour. Car en plus d'aider à mettre des mots sur des impressions, il apporte un autre éclairage- personnel- sur le livre. Ainsi, Fassbinder a vu des choses qui m'avaient échappées ( à tort ou à raison): l'amitié quasi amoureuse entre Biberkopf et Reinhold, l'homme qui va s'acharner à causer sa perte, mais aussi la découverte de la psychanalyse et des théories de Freud.Selon Fassbinder toujours, les tourments de Döblin au sujet de la religion sont peut être évoqués. Mais le plus touchant, c'est l'évocation par Fassbinder de l'importance qu'a eu ce livre sur sa vie personnelle, professionnelle et artistique.Il reste tant de choses à dire sur ce roman. C'est un roman exigeant, à tout moment de la lecture, mais singulièrement passionnant. Un grand roman.
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