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Critique de isabellelemest



Une très courte pièce de théâtre où Erri de Luca renonce à sa prose poétique si personnelle, employée dans ses autres textes, pour laisser la place au dialogue, autour des thèmes de la nostalgie, de la mémoire, des regrets, du vieillissement peut-être...

Une situation inédite : à Naples, ville natale de l'auteur, un frère et une soeur sexagénaires se retrouvent pour le réveillon du Nouvel An, malgré la lassitude et les refus de l'un, qui ressemble beaucoup à l'auteur. Mais le traditionnel jeu de tombola se jouera à quatre, car les ombres de leurs parents auront été convoquées à cette soirée dédiée aux souvenirs et aux réminiscences.

En vieillissant les fratries comprennent qu'elles sont les dernières dépositaires du souvenir de leurs parents, de ces détails insignifants et irremplaçables vécus dans leur enfance et qu'elles seules peuvent "convoquer", comme on invite des fantômes au tribunal de la mémoire...

Pour "lui", le frère , c'est d'abord son amour de Naples, si longtemps refoulé, qui revient avec l'usage de la langue natale, le dialecte, non traduit en italien, avec des plaisanteries et des jeux de mots trop faciles, qui lui sont d'ordinaire si peu communs. Pour "elle", la soeur, c'est la présence d'un spectre allégorique, la bonne "Italia", qu'elle accuse de faire disparaître les objets qui lui tiennent à coeur et qui suscite effroi et dégoût chez son frère...

Cette apparition des parents mal aimés, de cette Italia qui a volé le frère et le fils (Erri de Luca raconte ailleurs comment il a quitté Naples et sa famille de but en blanc à dix-huit ans, pour Rome, puis le nord du pays) fait naître une émotion poignante, celle des remords et du temps enfui, que seule l'écriture peut racheter. Mais cette pièce de théâtre est aussi le lieu du dialogue, des mots qui rebondissent, des anecdotes vraies ou fantaisistes qui surgissent avec chaque numéro de la tombola, d'un rire d'enfance retrouvé.

Comme souvent chez De Luca, Naples, plus que toile de fond, reste un personnage essentiel, omniprésent dans le texte, par sa langue, ses coutumes, ses façons d'être et de vivre en commun.

Un opus atypique, mais qui par son sens de l'ellipse et de la suggestion, réveille chez le lecteur (spectateur ?) des sentiments riches et antagonistes, au croisement entre les ambivalences de la vie et la hantise de la mort.
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