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Critique de LeScribouillard


Et si les elfes étaient des autistes de haut niveau ? C'est la question à laquelle s'est attelée Silvana de Mari, psychologue pour enfants, dans un livre jeunesse qui peut aussi bien lu par des adultes sans problème. Cela expliquerait pourquoi ils sont plus précoces que les humains, pourquoi leur repli sur eux-même, et enfin pourquoi les humains les persécuteraient. D'où la seconde thématique de cet ouvrage : la discrimination des "y sont pas comme nous". le tout sans violence pour deux sous, mais à prendre plus comme une quête personnelle pour le héros.
Ce qui ne se fait pas sans quelques maladresses : des scènes grotesques bien que réalistes (le procès, la pendaison...), qui font rire si on les prend au second degré puis ensuite semblent un peu décalées par rapport au reste, un prolongement balbutiant et possédant beaucoup moins de profondeur, des scènes d'action qui s'y glissent un peu à l'improviste, du médiéval sans saveur assaisonné de ta-gueule-c'est-magique, une couverture hideuse (et ce sera pire au tome 2)... Mais on ne peut que remarquer la facilité avec laquelle les personnages sont dressés : sans atteindre une complexification extraordinaire (ce qui de toute façon n'aurait fait que ralentir le récit), les personnages sont suffisamment nuancés pour arborer une palette importante de sentiments et de contradictions.
Yorsh, le dernier elfe donc, se retrouve parmi les humains et a des réactions paradoxalement... aussi humaines qu'eux, voire plus. Là où les gens se battent, font des concours de coups bas et vivent dans la superstition la plus noire, lui et son ignorance candide constituent une véritable lumière au tableau. On peut lui reprocher évidemment ne pas se conformer totalement à l'archétype tolkienien, mais est-ce pour autant un défaut ? Il n'est pas majestueux, mais comment tu veux à quatre ans, c'est déjà un miracle s'il sait porter un bâton ! On dira aussi de lui qu'il est un gamin capricieux, mais non : c'est juste un gamin comme un autre. de toute façon, bon nombre de points restent respectés malgré tout : l'immortalité, la maîtrise de la magie, les oreilles pointues, je pense aussi, même si ça n'est dit nulle part... et surtout sa présentation en temps que protagoniste et créature bénéfique. Alors, disons-le haut et fort : on est bien loin du courant anti-Tolkien, et là franchement j'ai envie de vous dire, c'est une autre paire de claques. Silvana de Mari ne trahit pas l'archétype, elle ne fait que le nuancer, ce qui ne peut que faire du bien. D'ailleurs, vu les caricatures qu'on peut croiser effectuées plus ou moins selon les convenances traditionnelles, on peut même dire qu'elle est plus proche de Tolkien que celles-ci...
Un autre point sur lequel le roman s'aventure : la culture. Ça se fait par petites touches (la symbolique de leurs couleurs, ect.), mais on découvre que les elfes en ont une, et différente de celle des hommes. Bien qu'on se doute qu'ils ont un meilleur savoir-faire et qu'ils sont plus pacifiques, ce n'est pas fondamentalement une meilleure culture, c'est une autre, tout simplement. Je pense notamment à la scène du lapin : pour Yorsh, c'est un crime de tuer un animal, et donc certains lecteurs ont trouvé cette scène stupide car si les elfes aiment tant les êtres vivants doués de conscience, pourquoi détester les hommes comme ça ? Mais si on a étudié un peu les lettres, comment ne pas y voir le même paradoxe que les Indiens qui témoignaient à leur gibier un respect infini alors qu'ils haïssaient l'homme blanc ? Et ça se tient autant vu qu'ils sont eux aussi persécutés.
On a également droit à un peu de poésie, une dénonciation légère mais réelle du travail des enfants, et une biologie autour des dragons presque hard-fantasy qui ne pourra que plaire aux fans de Marie Brennan. Bref, une lecture peut-être pas indispensable, mais qui peut donner de bonnes pistes de réflexion sur comment réinventer la fantasy classique.
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