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Critique de Casmotte


Visage marginal de la littérature, Thomas de Quincey crée avec les rêves et les cauchemars qui le hantent. Des rêves provoqués par l'opium, sa déesse noire, auxquels il va donner une valeur esthétique.

Dès le temps de ses études à Oxford, l'auteur prend du laudanum pour calmer ses douleurs. Au XIXème, l'opium n'est pas illégal (c'est un anti-douleur, au même titre que l'aspirine). Cette drogue, l'enchantant et l'asservissant, lui vaudra les plus grands plaisirs et les pires souffrances de sa vie.
Amateur, il prend d'abord l'opium par plaisir et chante ses louanges. Ironique, il décrit alors ses visions avec auto-dérision.
C'est l'accumulation des chagrins et des soucis qui l'amèneront à prendre quelques 5000 gouttes de laudanum par jour. Sans argent et honteux, devenu un paria, il tombe dans une terrible détresse morale, accompagnée de la conviction, cette fois, qu'elle est due directement à l'excès d'opium. Durant cette période, il devient la proie du hasard et nous décrit ses errances, sa souffrance morale et ses cauchemars.

Il est difficile de mesurer l'influence que l'opium pouvait exercer sur l'équilibre de l'auteur et sur les affections nerveuses aigües dont il avait à souffrir ainsi que sur son pouvoir de concentration et sur son imagination créatrice tant les effets de cette drogue sont ambivalents. L'auteur lui-même est plein de contradictions à cet égard, le qualifiant de remède puis de poison.
Car, s'il ne peut pas disculper entièrement l'opium des états d'angoisse, d'abattement voisin du désespoir, il ne peut ni ne veut renier tout à fait ce cher poison. L'opium est trop intimement lié aux fêtes de sa sensibilité, aux riches associations de sa mémoire profonde, à sa manière, indépendante des pièges sensoriels et routiniers, de percevoir et de concevoir ne fut-ce que le Temps.

Difficile de définir un genre : autobiographie, essai ? le texte mêle narration, rhétorique, argumentaire et prose poétique. L'auteur veut prouver quelque chose. Il essaie de capter la bonne volonté du lecteur et de justifier ses projets. Il veut émouvoir, plaire et enseigner.
Son récit manque d'organisation et de pudeur. Sa sensibilité s'introduit dans l'oeuvre et a besoin de la dispersion pour s'exprimer mais avec un ancrage dans le réel. Ici pas d'argument d'autorité, mais des thèses qui s'appuient sur son propre vécu. Sa phrase circule et fait des détours continuels, sa personnalité est désintégrée : il n'y a plus de faculté de jugement ni de sens de la construction et moins encore de sens des proportions. L'imagination a pris le relais et l'homme raisonnable a abdiqué.

C'est un professeur d'anglais qui m'a fait découvrir ce livre à l'université. J'avais adoré travailler sur les extraits qu'il nous avait proposés et j'avais acheté l'ouvrage (en français je dois l'avouer) pour étudier ce texte plus en profondeur. A l'époque, j'avais beaucoup aimé cet écrit. Était-ce dû à mon âge, à mon enthousiasme d'étudiante ou aux cours bien orchestrés de mon professeur ? Je n'ai pas retrouvé le même engouement à ma deuxième lecture, des années plus tard. Il s'agit néanmoins d'un témoignage poignant dans lequel l'auteur nous prend par la main pour nous montrer les tableaux de sa vie, ses rêves teintés d'opium, son errance dans une Angleterre déshabitée et pourtant grouillante et le sentiment d'étrangeté qu'il éprouvait dans propre vie et celle des autres...
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