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Critique de Francinemv


Si j'ai choisi de vous parler de Marathon de Nicolas Debon paru fort à propos le 25 juin de cette année, c'est tout simplement parce c'est un vrai coup de coeur et pourtant, le sport, c'est pas vraiment ma tasse de thé.

Que nous dit la quatrième de couverture ?

Amsterdam, août 1928
Sous les ovations de la foule, les favoris du monde entier se pressent au départ de l'épreuve reine des Jeux olympiques : le redoutable marathon. Loin derrière, qui remarquerait ce petit Algérien un peu frêle, mécano à Billancourt, qui porte le maillot français ?
C'est compter sans le vent, la fatigue, les crampes, et 42,195 kilomètres d'une course folle qui vont peut-être créer la surprise…

Alors la surprise évidemment, c'est la victoire du «petit Algérien », l'enfant d'Ouled Djellal dont les spectateurs peinent à se rappeler le nom et qu'avec la condescendance propre au colonialisme de l'époque ne désigneront que par son prénom El Ouafi.
La grande force de cet album réside dans le choix narratif de l'auteur de ne raconter que cet exploit, la course et rien que la course par une mise en scène et en image magistrale. S'il occulte dans son récit le destin tragique du vainqueur, il l'inclut toutefois en fin d'album dans deux pages documentaires.
Le bédéiste commence par planter le décor dans une sorte de prologue. L'album s'ouvre sur le tracé de l'épreuve puis 4 pages ponctuées d'extraits de discours de Pierre de Coubertin alors que l'image se focalise sur l'imposante Marathon Toren et sa flamme olympique, puis les anneaux, la devise, les drapeaux pour s'arrêter enfin sur une vue d'ensemble du stade monumental.
Ayant pénétré dans le stade, nous nous retrouvons ensuite installés dans les tribunes à regarder les préparatifs et attendre fébrilement les athlètes tout en écoutant les commentaires des spectateurs. Les coureurs font enfin leur entrée. Après avoir passé en revue les favoris, les commentateurs s'attardent sur les quatre français.

« Notre meilleur élément, c'est Guillaume Tell : c'est le plus rapide, et il peut tenir les quarante-deux kilomètres. Ah, et puis j'allais oublier… le dernier, c'est un petit Arabe qui fait sa vie comme manoeuvre chez Renault, à Billancourt : El Ouafi qu'on l'appelle. Il donne l'air de sourire tout le temps, il n'est pas encombrant, et vu qu'il restait une place… »

Eh oui, n'oublions pas que nous sommes en 1928 et qu'en ces temps, la France s'étendait de Dunkerque à Tamanrasset. Ce genre de propos reflète bien les mentalités de l'époque. Notons à cette occasion que pour cet album Nicolas Dubon a consulté les archives photographiques et cinématographiques afin d'être au plus près de la réalité tant au niveau de l'image que du texte.

Après cette entrée en matière, ce sera la course et rien que la course, depuis le coup de pistolet du juge-arbitre jusqu'au franchissement de la ligne d'arrivée, dernière case de l'album. Cette fois-ci c'est le journaliste Louis Maertens installé dans l'autocar dédié à la presse qui raconte. Variant les points de vue, à ses propos se mêleront parfois ceux d'un entraîneur ou d'un athlète avant que l'auteur nous fasse quitter le côté purement historique pour nous entraîner dans un univers plus poétique en s'adressant directement à El Ouafi lui-même, s'interrogeant sur ses pensées alors que seul il s'envole vers la victoire.
Et que dire de l'illustration si ce n'est, qu'avec ses planches de toute beauté, elle est en adéquation totale avec le propos. La mise en scène cinématographique qui colle aux semelles des athlètes  met merveilleusement en valeur la solitude du coureur de fond en alternant pleines pages muettes où le paysage prend toute la place et gaufrier classique de plans rapprochés sur les jambes, les visages marqués par l'effort. (Mention spéciale à la double page où la page de gauche évoque les Temps modernes avec son alternance de cases représentant engrenages et boulons et des plans serrés sur l'athlète, alors que dans la page de droite, El Ouafi n'est plus qu'un point bleu perdu dans l'immensité du paysage). Elle est sublimée par un trait charbonneux et une élégante bichromie rouge et bleue, ce rouge de la piste qui va envahir l'espace tout au long du parcours et le bleu qui vient éclairer les différents coureurs avant de se focaliser entièrement sur El Ouafi Boughéra dans les dernières planches. C'est ainsi que le bédéiste parvient à nous captiver pendant pas moins de 85 pages à regarder simplement des hommes courir.

Il faut dire qu'on a ici un expert en la matière. Ce n'est pas la première fois que Nicolas Dubon sort de l'oubli des exploits sportifs hors normes et tire de l'anonymat leur auteur. Il l'avait déjà fait auparavant pour le cyclisme dans le tour des géants, édition mythique du tour de 1910 où grande première, les coureurs allaient gravir les cols des Pyrénées et pour l'alpinisme en s'intéressant aux exploits de trois pionniers de cette discipline dans L'invention du vide. Enfin si Nicolas Debon nous décrit si bien les souffrances endurées lors d'un marathon, c'est parce qu'il connaît bien le sujet : lui même en a couru 5.

Un auteur à suivre …
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