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Critique de Cancie


Cinq ans après Règne animal, prix du livre Inter 2017, que j'avais particulièrement apprécié, j'ai à nouveau été conquise par l'écriture de Jean-Baptiste del Amo dans son nouveau roman le fils de l'homme.
Un break quitte la ville avec à son bord un homme, une femme et leur jeune enfant de neuf ans.
Après des heures de route, plusieurs vallées traversées, les villages disparaissent peu à peu et la voiture s'engage sur une route en lacets puis sur un chemin de terre, quand soudain un pin obstrue le passage. Ne pouvant le déplacer, le père met le véhicule à l'écart, le camoufle et extirpant les bagages du coffre, tous trois, sacs à dos chargés sur les épaules, s'acheminent sous la conduite du père vers une vieille maison isolée dans la montagne, tout juste habitable, aux Roches. Au départ, il s'agit d'un séjour estival qui va rapidement s'avérer être un séjour définitif sans possibilité de retour.
Ce n'est que trois semaines auparavant que le père a réapparu dans la vie de son ex-compagne et de son fils après environ six ans d'absence pour des raisons mystérieuses.
Au fil du récit, l'auteur alterne le moment présent avec cette découverte de la nature pour le fils et le passé avec comme point de départ le retour du père et ensuite une remontée dans le temps, sans pour autant créer de réels chapitres et donc sans rompre le rythme de l'histoire.
Dés les premières lignes, Jean-Baptiste del Amo nous plonge dans une atmosphère d'angoisse. Dans la voiture, sans qu'un mot ne soit échangé, les regards croisés entre la mère et l'enfant expriment un sentiment de crainte et d'inconnu.
On apprend peu après que c'est aux Roches, précisément que ce père a vécu auprès de son propre père, un homme devenu impitoyable et qu'il entend maintenant y faire vivre sa femme et son fils, femme dont il a appris qu'elle l'avait trompée.
Hanté par son passé et rongé par la jalousie, le père sombre lentement dans la folie.
Le père, la mère et le fils ne sont jamais nommés et la troisième personne est de rigueur tout au long du roman, nous amenant à penser quasiment à un mythe, dans lequel la transmission de la violence de père en fils pourrait être le thème principal.
Tout en restant facile d'accès, avec un vocabulaire riche, une écriture fine et imagée, où la poésie le dispute à la rudesse, l'auteur sait à merveille retranscrire la découverte de la nature par cet enfant ayant vécu jusque-là dans une petite maison d'un quartier ouvrier. Si dans un premier temps, le gosse est effrayé par ce milieu qui lui paraît hostile et dangereux avec ces bois profonds et ces bêtes sauvages, il saura peu à peu y trouver sa place et même un refuge dans ce renfoncement créé entre les racines épaisses d'un vieux noyer, créant ainsi une niche obscure où il se sent protégé. Les descriptions sont imagées au possible et nous entraînent avec volupté au coeur de ces lieux sauvages nous faisant ressentir toute la force de cette nature et sa puissance, des lieux qui pourraient être paradisiaques si la folie de cet homme ne prenait au fil de l'histoire toute la place. L'homme et la nature y sont en perpétuelle confrontation.
J'ai été frappée par le peu de paroles et de dialogues entre les trois protagonistes, ceux-ci étant remplacés, à mon sens très avantageusement, par des regards ou des gestes particulièrement expressifs. Les corps de chacun sont fort justement mis en avant, décrits dans tout leur naturel, avec volupté et sensualité parfois, ou plus durement et froidement dans d'autres cas.
Bien des questions viennent à l'esprit tout au long de cette lecture, et c'est tout le charme de celle-ci qui se partage entre beauté et noirceur, amour et cruauté, même si la noirceur prend malheureusement le pas sur la beauté.
À la transmission de la violence d'une génération à une autre, s'ajoute ici la domination des hommes sur leurs semblables tout comme la confrontation du monde de l'enfance à la dureté et la brutalité du monde des adultes.
D'une beauté saisissante, bien que dramatique, le fils de l'homme est un roman intemporel qui m'a bouleversée. Je remercie très sincèrement Babelio et les éditions Gallimard pour cette somptueuse lecture, en avant-première.
À noter que Jean-Baptiste del Amo devrait être présent aux Correspondances de Manosque en septembre prochain et que je me fais une joie, déjà, de pouvoir le rencontrer !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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