Marie-Antoinette

Marie-Antoinette ressent les premières douleurs de l'enfantement dans la nuit du 18 au 19 décembre 1778. Pour les naissances des Enfants de France, la tradition veut que les accouchements aient lieu en public afin qu'il n'y ait aucun risque de substitution. L'accouchement se déroule donc selon un cérémonial réglé et particulièrement éprouvant puisque la reine est constamment observée par une foule de courtisans. Mme de Campan raconte qu'au moment de l'accouchement, à 11h30 du matin, la chambre de la Reine ressemble à une 'place publique'. Certains ont même osé grimper sur les meubles et s'accrocher aux rideaux de la chambre pour mieux jouir du spectacle !

L'apparition sous le règne de Louis XIV des premiers 'grands carrosses modernes', c'est-à-dire avec une caisse entièrement fermée et vitrée et pouvant tourner les roues à 90 degrés, donne un coup d'envoi au développement des transports. Mais 'rouler carrosse' nécessite des frais considérables et, comme aujourd'hui, la voiture était le reflet du statut social de celui qui la possédait. Au XVIIe siècle, l'apparition de la berline (inventée près de Berlin), pourvue de toutes les options (vitres réglables en hauteur, trappe dans le sol pour rafraîchissements...), permet de voyager de manière plus sûre et plus confortable grâce notamment aux progrès de la suspension.

Comme une épidémie incontrôlable, libelles, pamphlets, poèmes, caricatures, pièces et chansons satiriques se répandent partout, toujours plus nombreux, plus violents. L'impopularité s'est muée en détestation, et les intrigues de cour ont laissé place au mécontentement populaire. La misère engendrée par les mauvaises récoltes, c'est elle! le faillite du Trésor, c'est elle ! On fantasme sur le Petit Trianon dont on fait une monstrueuse folie, on parle d'un salon tapissé de diamants, avec des colonnes torses ornées de saphirs et de rubis, d'une chambre au trésor et de folles parties nocturnes.

Marie-Antoinette est débordée par la puissance fantasmatique qu'elle suscite : le comte d'Artois, le duc de Coigny, Mme de Polignac, mais aussi des cardinaux, des repris de justice, des valets...Personne n'échappe à la liste des amants de la reine, comme le montrent ces publications illustrées de gravures scabreuses : L Autrichienne en goguette ou l'Orgie royale, Les Amours de Charlotte et Toinette. ..Marie-Antoinette devient la 'Messaline royale' en référence à l'épouse de l'empereur Claude, une femme débauchėe, avide d'or et de bijoux, enivrant son mari pour gouverner à sa place, elle est aussi représentée en autruche, en guenon, en tigresse, en bête féroce et enfin, au-delà de toute raison, en "monstre femelle" : dragon, harpie, hydre à plusieurs têtes. .. Cette débauche de pamphlets sans précédent reste inégalée dans l'histoire de France. La calomnie est bien le bras armė de la Révolution. A Mme de Campan qui s'inquiétait de la protéger contre un empoisonnement, la reine lui répond :"Souvenez-vous qu'on n'emploiera pas un grain de poison contre moi. Les Brinvilliers ne sont pas de ce siècle-ci : on a la Calomnie qui vaut beaucoup mieux pour tuer les gens ; et c'est par elle qu'on me fait pėrir".

Les quatorze premières années de Marie-Antoinette se sont passées dans l'insouciance et la liberté. Sans être tourmentée par des éducateurs complaisants, l'enfant profite des nombreux loisirs que lui offre la cour de Vienne. Pourtant, dès sa naissance, le 2 novembre 1755, la révolution diplomatique amorcée entre l'Autriche et la France lui réserve le destin d'une reine de France.