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Critique de Antigonedeuxpointzero


Je craignais un énième bouquin feel-good et mielleux à souhait, dégoulinant de bons sentiments.
Le 2nd écueil était de dresser le portrait d'une cancéreuse forte et courageuse, qui va faire le bien autour d'elle, et apporter aux autres le bonheur qui lui fait défaut.

Les premières pages ont dissipé très vite mes doutes. L'écriture est incisive, percutante et réaliste. Capucine Delattre fait un portrait au vitriol, sans concession ni fioriture, de ce qu'a été la vie d'Anastasia jusqu'à ce diagnostic, son enfance, son parcours, ses choix, ses envies. L'autrice démontre une clairvoyance frappante dans les rapports humains et familiaux, les maltraitances ordinaires répétées génération après génération et leurs conséquences. L'influence parentale dans les trajectoires de vie est décryptée très finement.
Parce que c'est bien là le coeur du bouquin : quelle est sa liberté de choix et son libre-arbitre dans une société où les parents décident de tout ? Comment décider de celui/celle qu'on veut être, se donner les moyens d'y arriver, et comment s'extraire d'un conditionnement passif et insidieux ? Les références à Sartre et l'existentialisme sont très pertinentes. Nos choix font de nous des êtres vivants. Ne pas décevoir, inquiéter ou blesser ses parents, les rendre heureux sont notre leitmotiv.

Pourtant, le monde des adultes est perçu comme cynique, individualiste, égoïste et dominé par la crainte, la tristesse et la résignation face à son sort et une pseudo destinée, comme un fatalisme oppressant sur lequel on n'a aucune prise et contre lequel il est il est inutile de lutter.
L'inconnu effraie tant le champ des possibles est infini. L'angoisse existentielle est si forte que les parents décident de baliser le chemin de leur fille (« On est fiers de toi, du moment que tu fais tout pour »).
Le livre m'a happée dès les premières pages, avec un personnage auquel il est très facile de s'identifier pour peu que le lecteur ait été un peu malmené par la vie lui aussi. Anastasia est le narrateur pendant la première moitié du livre, on la quitte presque à regret quand sa meilleure amie, Iris, prend la parole, puis Lolita, sa demi-soeur, et le livre s'achève avec un dernier personnage dont je tairai l'identité. La narration d'Anastasia domine de loin celle des autres personnages par sa force brute et le refus total d'enjoliver les faits.

Ce livre m'a remuée, et a fait naître en moi tour à tour compassion, tendresse, colère et bienveillance. Surtout, la justesse du propos et la finesse de l'analyse m'a tenue en haleine, et m'a d'autant plus impressionnée quand j'ai appris que l'autrice n'avait que 20 ans, quand je m'imaginais quelqu'un de plus âgé avec un fort vécu. Les déviantes a réellement été un coup de coeur !
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