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Critique de AnnaDulac


Que peut bien faire un philosophe lorsqu'il devient père ?
Eh bien… philosopher, ce qui veut dire consigner les réflexions sur la vie et le monde que lui inspirent la naissance et la croissance de ses jumeaux.
S'il est vrai que « la philosophie n'a généralement pas grand-chose à dire des nourrissons » (p.15), Vincent Delecroix se refuse à explorer ce territoire sur le mode du « lyrisme kitsch ».
Dès ses premières pages, il parle de cette « radicale impuissance » qui saisit tout nouveau parent et le laisse littéralement « démuni ».
Ce sentiment de désarroi peut provenir de l'impression qu'à la naissance de ses enfants, sa propre enfance se termine.
Or, pour Vincent Delecroix l'enfance ne se termine jamais. Il ne s'agit pas ici d'infantilisme (« ce faux ami de l'enfance »), ni non plus de l'idée que dans l'enfance sont les clés de nos traumatismes ou difficultés.
Non, pour lui les âges ne se succèdent pas. Ils s'accumulent.
Ils forment une stratification, comme des couches archéologiques.
Delecroix rejette toute perspective évolutionniste qui veut que l'enfant soit une ébauche de l'adulte, une étape. Et que l'éducation fera sortir « l'homme de l'enfance ».
L'âge adulte n'abolit pas l'enfance qui est interminable.
En nous, tous les âges coexistent. Comme un « tissage permanent ».
Ce constat sous-entend que la naissance est « un processus continu », et non un « événement ». Qu'on peut être « neuf » chaque jour.
Delecroix offre aussi cette idée stimulante que l'on communique avec ses petits non pas en se souvenant de sa propre enfance, mais en vivant celle qui reste en nous, dans une zone où
tout est enlacé.
« Ma fille s'endort enfin, mais je ne sais plus si c'est elle qui est dans mes bras ou si c'est moi qui suis dans les siens. »

Ailleurs, l'observation de ses enfants qui érigent des tours en Kapla, des petites planchettes de bois, amène Vincent Delecroix à philosopher sur l'« homo faber » qui construit gratuitement, sans finalité, dans une inutilité proche de l'« oeuvre d'art ».

Sont aussi passés en revue, et remis en perspective : l'acquisition du langage ; l'idée fausse que l'enfance est un « monde enchanté (il faut préférer le « désenchantement ») ; les dessins d'enfant (« ils ne savent pas ce qu'ils font ») ; les photographies ; la Petite Souris ; les Playmobil, etc.

Heureusement, dans le dernier chapitre, le philosophe s'interrompt pour dire qu'un « livre est une chose dérisoire au regard de la vie vivante » et qu'il est temps « d'aller jouer aux Lego ».

Vincent Delecroix a écrit une sorte d'album, dont on tournerait les pages. Sa pensée est souvent complexe, mais extrêmement stimulante et originale.



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