Citations sur Hanah Baxter : L'Homme de la plaine du Nord (37)
C’était un grand jour pour Ernest. Sans doute le plus grand jour de sa vie. Les affaires reprenaient après une trop longue pause.
La maladie. Les allers-retours à l’hôpital. La perte de cheveux. Qui, au fond, ne changeait pas grand-chose, bien au contraire, c’était mieux, pour la perruque, les soirs de scène.
Mais avant la maladie, il y avait eu la prison.
Mais avant la maladie, il y avait eu la prison. De ces prisons sans barreaux, où le sort peut vous enfermer. Ernest en avait pris pour quinze ans. Une terrible chute avait laissé sa mère paraplégique, et le monde du fils s’était écroulé. Pour pouvoir se consacrer à elle jour et nuit, il avait interrompu toutes ses activités, à commencer par la principale : tueur à gages.
[…] le monde allait trop vite pour lui, qui n’écoutait que Piaf, Brel, Barbara, Léo Ferré, Gréco, Michelle Torr, Line Renaud, enferré dans le passé. Il faisait figure de bâton planté dans le sable, résistant à la déferlante. (Ernest)
Les chiffres des suicides d’enfants ou d’adolescents, en inquiétante progression, démentaient tout ça. Il n’y a pas d’âge pour décider d’en finir, ni de sexe, ni de classe sociale. Il y a juste un être tellement malheureux et dans un tel décalage avec son entourage et avec le monde dans lequel il a été propulsé sans avoir rien demandé, qu’il ne peut plus continuer.
Ernest Gare n’aimait pas ces petits adultes en devenir. Sachant qu’ils seraient un jour, peut-être, des hommes ou des femmes arrogants, égoïstes, indifférents ou tout simplement cons, il ne pouvait s’attendrir devant ce qu’ils étaient encore dans le présent.
Hormis ces deux petits effrontés dont les regards insistants enfermaient Frida dans une cage de zoo, la salle macérait dans une soupe d’indifférence. Les autistes du smartphone et de l’iPad. Chacun rivé à son écran tactile, et la planète pouvait bien s’écrouler. (Salle d’attente d’un aéroport)
Il a roulé encore une cinquantaine de kilomètres avant d'apercevoir au loin les cônes sombres des premiers terrils de la région minière. Sa région. Son coeur bat plus vite, plus fort. Les pyramides de la houille l'appellent. Sa place est là-haut. Cha est encore venue lui rendre visite cette nuit. Elle l'attend.
J’ai cru comprendre, oui. Vous semblez assez différents.
C'est une souris des champs et moi un rat de la ville.
Vous avez grandi ensemble pourtant, non?
Ce qui n'empêche pas les différences et les personnalités de s'affirmer. Surtout quand un drame vous frappe. On ne le vit pas de la même façon. Tout le monde n’a pas le même degré de résilience.
Mais Frida n’eut pas à se donner le mal qu’elle redoutait pour satisfaire Ernest Gare. Le commissaire s’invita dans la loge avec un bouquet de roses rouges. Pas vraiment original, mais tellement touchant, se dit-elle, sentant ses joues devenir brûlantes. En tout cas, il avait un sacré courage pour venir se présenter à elle sous les regards entendus des filles.
Il n’y a pas d’âge pour décider d’en finir, ni de sexe, ni de classe sociale. Il y a juste un être tellement malheureux et dans un tel décalage avec son entourage et avec le monde dans lequel il a été propulsé sans avoir rien demandé, qu’il ne peut plus continuer. Qu’il n’a pas les codes, ni les armes nécessaires pour affronter une réalité trop lourde, trop violente et brutale. Persuadé qu’il est de partir pour un monde meilleur.
Sexuellement, il ne se passait plus rien entre eux depuis des lustres. Comme dans une sorte de contrat tacite. Alors à quoi fallait-il attribuer ces scènes de jalousie ? Etaient-ce les effets de l’alcool ou d’un amour meurtri ? Mais non, on ne pouvait plus parler d’amour, entre eux. Ou bien était-ce encore ça aussi, l’amour, rester ensemble alors qu’on ne s’aime plus ? (Peeters et sa femme)