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Critique de Yandiawish


Bouleversant est le roman « Marie Tempête » ... Je l'ai lu à une vitesse vertigineuse, sans m'arrêter un seul instant, sans oser prendre un souffle, tant la plume de l'auteure est simple et coulante, essentiellement parce qu'elle est d'une vibrante authenticité, tout comme Marie l'est, à la fois portée par le Ruisseau de la Vie par sa rage et sa douceur d'Être. Marie a la respiration tantôt lente, souvent folle ; elle vit à perdre haleine. J'ai senti un infime morceau de ce roman imprégné en moi, peut-être aussi parce que je me reconnaissais moi-même à travers certains vécus de Marie-Lune, ma lecture venant ainsi ébranler ma fleur de peau. Il est ainsi plus difficile de rester objectif en tant que critique.

Bien que « Marie Tempête » soit à priori qualifié de roman jeunesse québécois, il est également destiné au lecteur adulte, ne serais-ce que pour les thèmes qui y sont évoqués et qui nous touchent tous à un moment ou à un autre de notre vie ; le deuil, l'amour, les premières ivresses adolescentes et les choix que nous prenons, délaissant ou s'armant de lucidité, volontairement ou malgré nous. Un clin d'oeil à ces quelques minimes secondes qui peuvent influencer le cours de notre vie. Marie tempête n'entre peut-être pas dans la catégorie des plus grands romans québécois, mais ne serais-ce que pour le lecteur qui en est à « rallumer ses étoiles » et à comprendre tous le sens des « tempêtes » intérieures, il en vaut la lecture.

C'est dans la douceur et la douleur de ses tempêtes que Marie, personnage principal, nous amène avec elle, nous faisant découvrir, ressentir, toute sa fragilité et sa maturité progressivement plus grande, un peu plus chaque jour – chaque page – tel un fruit qui aurait doucement pris le "temps" de mûrir au fil des saisons. « Parfois, au lac, la pluie s'abat d'un coup, avec une force terrible. Il n'y a pas de tonnerre, ni d'éclairs. Juste une pluie démente. Un ciel devenu fou. Je pleurais à verse. Je savais que l'actrice allait se relever et partir. Je savais aussi qu'elle se sentait prisonnière de son ventre. Et je pleurais parce que la vie est salope. Il aurait suffi que la scène se déroule une ou deux semaines plus tôt pour changer le scénario. » Indéniablement, Marie Tempête nous porte aux réflexions suivantes : Est-il possible qu'un simple incident fasse ombrage toute une vie ? Comment fuir ou égayer l'écho de nos choix, aussi grandioses et brumeux soient-ils, pour les oublier ou les accepter ? Monter vers les étoiles ou bien se laisser entraîner par le courant des eaux ? Ici-bas et là-haut. Qu'est-ce qui est un choix et qu'est-ce qui tient de notre volonté ? Comment faire pour rester en équilibre, les pieds posés au sol, sans voler à une vitesse démesurément folle, sans tomber et se noyer ?

En début de roman, il y a évoquance somptueuse à l'Allégorie du Pélican de Musset auquel Marie-Lune s'identifie ; elle est cet Oiseau en quête d'identité, à la recherche de réponses à ce « Qui suis-je, sans cet Être qui m'a jadis mis au monde et aimé, que suis-je devenue depuis son absence, qui me reste-t-il, vers quoi me tourner désormais... » et qui, peu à peu, retrouvera ses plumes, et découvrira que dans une petite mort, il est peut-être encore possible de rallumer les étoiles... une seule à la fois. Dominique Demers, par l'entremise de Marie-Lune, a cet art touchant d'unir harmonieusement son personnage à la nature (et c'est sans doute l'aspect le plus fort du livre), qui devient sitôt le décor-de-plume des émotions. Les multiples passages et métaphores qui font allusion aux sentiments de l'individu et à la nature ; ses cours d'eau, ses beautés et ses catastrophes naturelles, sont d'une savoureuse finesse. J'y ai d'ailleurs laissé ce que j'appelle mes « étoiles de passages préférés », je les ai lu et relu, jusqu'à oser m'extasier intérieurement de quelques « comme c'est beau ! » ... Avant ses grands tourments, Marie-Lune était encore cet enfant qui s'extasiait avec amusement, à capturer des images dans les nuages, et les formes qu'ils dessinaient. Or, elle s'imprégnera de cette nature infinie, à bout d'épreuves, jusqu'à fusionner avec elle, plutôt que de simplement la regarder... son Être deviendra le coeur de ce décor nu et bourgeonnant. Elle apprendra à saisir tout le sens d'une Tempête, et à se remettre de ses dégâts, ou pas... Elle est le Pélican qui découvre ce qu'est Tomber, celui qui apprend à voler, pour mieux briller demain.
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