AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de laudou92


Ouvrage érudit, détaillé, mais passionnant, dont le propos destructeur n'est pas sans rappeler celui de Michel Onfray jetant bas dans son "Crépuscule d'une idole" la statue de Freud et détruisant lui aussi un « mythe » moderne aux allures vainement scientifiques. A cette différence que JP Demoule ne conteste pas le statut des sciences humaines que sont la linguistique générale ou la grammaire comparée. Il constate simplement que la question des Indo-européens, contrairement à ce qui est dit, enseigné et écrit partout, n'est pas résolue. Il y a des parentés entre les langues indo-européennes, mais l'explication par un peuple d'origine, parlant une langue originelle, possédant une culture et un territoire spécifiques, -cette explication est à coup sûr fausse. L'essentiel du livre consiste à critiquer, et en fait à démolir, cette thèse officielle, avec ses ramifications diverses.
On lui reprochera peut-être de ne pas reconstruire sur les ruines : mais c'est qu'on ne peut pas, d'un seul coup d'un seul, refaire ce que deux ou trois siècles de science ont si mal bâti. Pour expliquer les parentés entre les langues indo-européennes, il faut proposer d'autres voies, d'autres méthodes. le travail est en cours, notamment tel qu'amorcé par les spécialistes de la créolisation ou des pidgins, mais il promet d'être assez long et compliqué. (De la même façon qu'une fois les récits de la psychanalyse relégués dans les placards de la mythologie, il reste à construire patiemment une véritable science (ou du moins un essai de connaissance mieux fondée.
Ce que met particulièrement en exergue le livre de JP Demoule, c'est que la construction du mythe indo-européen repose sur un substrat de croyances. Onfray explique l'oeuvre de Freud par la cupidité de son auteur. Ici, la construction et la défense du mythe ne tiennent pas seulement à des affaires d'amour propre ou à des rigidités universitaires : au contraire, la plupart des « inventeurs » des Indo-européens nous sont présentés comme des travailleurs honnêtes et acharnés, capables de constituer des sommes impressionnantes, et c'est à leur insu qu'on découvre, en grattant un peu, qu'ils sont manipulés par les croyances, les préjugés de leur époque ou de leur milieu.
Dans le cas précis du mythe indo-européen, le substrat idéologique est formé par la croyance raciste en la supériorité de l'homme occidental, par une forme de darwinisme et par la validité du modèle des « nations » tel qu'il s'est manifesté au cours du 19ème siècle. Non sans une insistance un peu lourde, JP Demoule montre en particulier combien les théories qui sous-tendent le nazisme sont redevables du mythe indo-européen. Il développe également l'idée que si ce mythe est encore vivace aujourd'hui, et même qu'il a repris de la vigueur dans les années 80, c'est en lien avec la revitalisation des thèses défendues par la Nouvelle Droite. (Ce faisant, il s'expose peut-être à des reproches symétriques : celui d'être mû par une idéologie de gauche. Mais franchement, cela n'apparaît guère.)
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}