Une lecture tonitruante... regorgeant d'amour, de reconnaissance de Nadir
Dendoune envers ses parents, ses frangines.... sa cité, et toutes les personnes bienveillantes qui ont tendu la main au gamin, à l'adolescent révolté qu'il était....rempli de colère contre les injustices,
les exclusions soufferts par ses parents, et tous les camarades de la cité....
Colère qui aurait pu étouffer
Nadir Dendoune si il n'avait pas rencontré des personnes généreuses et sensibles au désert intellectuel, culturel de ces gamins des cités, comme cet animateur extraordinaire, Salah, ingénieur de formation, préférant s'impliquer, d'abord bénévolement, pour aménager une salle et proposer un lieu de rencontres et d'activités pour les jeunes de la cité., et tout ceci pendant vingt-ans...!!
Nadir Dendoune reconnaît que c'est grâce à cette salle de jeunes qu'il a été au musée pour la première fois, de même qu'il a lu son premier bouquin, qu'il a écrit son premier "article" dans un mensuel créé par Salah, afin que les jeunes puissent s'exprimer!
" Un jour, je me suis maté dans la glace et j'ai serré les poings très fort. Je pleurais de rage et d'envie. Je suis allé voir ma mère et je lui ai dit : "Ton fils a décidé de rêver de nouveau" (...)
Mon Everest, c'était de vivre des rêves de riches. Ces rêves qu'on m'a toujours refusés. Qu'on a refusés à mes parents.
J'ai rêvé de voyages et je suis parti pédaler autour du monde.
J'ai rêvé de soleil, de plage et de bombasses et je suis allé en Australie.
J'ai rêvé de pouvoir raconter nos histoires, je suis devenu journaliste et j'ai publié quatre livres.
J'ai rêvé d'exploits et je suis devenu le premier Maghrébin à escalader l'Everest.
ça s'est joué à pas grand-chose. J'aurais pu finir grand délinquant. Mais j'ai eu de la chance. de belles rencontres à chaque moment important de mon parcours.
Justement, il y a quatre ans, ma vie a un peu changé. Je me suis mis à écrire de nouveau.(...) Par plaisir, bien sûr, par envie également, mais aussi par nécessité.
Pour oublier certaines choses, et en comprendre d'autres. Et j'ai l'impression, texte après texte, de m'approcher de la paix. " (p. 13)
Un récit autobiographique composé de courts chapitres, abordant tous les sujets possibles: La Cité, les Parents, les amis, l'Exil, les Jeunes de banlieue, la prison dans l'adolescence, l'envie d'écrire, de voyager, A l'Ecole de la République, les actions concrètes de villes communistes en faveur des jeunes des cités, les politiques des municipalités, la vieillesse de parents, la résilience des émigrés et enfants d'émigrés, l'amour tumultueux mais profond des parents, etc.
Le récit autobiographique est complété de chroniques inédites....Un style
nerveux, vif, plein d'images et de couleurs, mêlant langage argotique, et
langage plus classique... Une impression de bouillonnement extrême !!
"Mon père figurait sur beaucoup d'entre elles [photographies] , solide montagnard de Kabylie, posant toujours de la même manière, fièrement, à l'image de sa vie qu'il avait vécue le plus dignement possible. Toujours à ses côtés, ma mère, sa posture identique à celle de son mari. Ces deux-là étaient ensemble depuis soixante-cinq ans, on pourrait dire depuis toujours.
Maman répétait souvent que mon père avait été son meilleur ami et son meilleur ennemi, qu'elle avait eu du mal à cohabiter avec lui toutes ces décennies, mais qu'elle n'aurait jamais supporté la vie sans lui. "(p. 130)
Je ne veux pas oublier de dire un mot sur la photographie de couverture,
représentant le papa de l'écrivain...Cliché que j'ai reconnu avec joie, car elle
a été "reprise" en mai 2016 par un artiste (ami de l'auteur), Vince, qui en a fait une immense fresque sur la façade d'un immeuble HLM de Malakoff, aux portes de Paris.
La première fois que j'ai admiré ce portrait des plus expressifs d'un " chibani ", il m'a pris à la gorge d'émotion, tant il était réaliste, comme vivant...
J'aime la phrase de
Nadir Dendoune à propos de ce portrait géant :
" Cette fresque a rendu mon père éternel" comme ce livre a immortalisé ses deux parents et son amour pour eux...
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[***pour mémoire, penser à aller voir "Des figues en avril" , film de Nadir
Dendoune, en hommage exclusif à sa maman. Film sorti en avril 2018 ]