Si les pays riches sont parvenus à éradiquer la misère physique - aujourd'hui en France, plus personne ne meurt de malnutrition -, ils ont laissé se développer une grande misère morale, dont la solitude est la première et la plus terrible.
Une phrase lue sur un mur du Dépôt m'est restée: "La justice est une putain. Pour la baiser, il faut payer."
Je m'aperçois vite que plus les prisons sont grandes, plus elles sont inhumaines. Dans les petites, les directeurs connaissent beaucoup mieux leurs détenus et peuvent plus facilement anticiper les problèmes. Cela permet de limiter souvent les dégâts. Dans les grands établissements au contraire, les plus faibles restent constamment isolés et toutes les dérives sont possibles.
Le mitard est une prison dans la prison. Si, dans la première, on purge la condamnation fixée par le tribunal, dans la seconde, on est puni pour avoir enfreint le règlement intérieur. Le mitard est une cage à fauves, sauf qu'on y est enfermé seul. Ni lit, ni table. Juste un bloc de ciment carré pour s'asseoir et une petite dalle de béton sur un coin de mur en guise de tablette. Des toilettes à la turque, un lavabo, pas d'eau chaude. Le soir, on jette au prisonnier un matelas en mousse et une couverture qui sont récupérés dès le lendemain matin au réveil, roulés. Pour la toilette, produits et serviette sont prêtés et immédiatement repris. Tous les couverts sont en plastique. Pas le droit de fumer ni de s'allonger durant la journée. Pas de radio. Seule est autorisée une lettre par semaine à la famille. Une heure de promenade en solitaire par jour. Dans de telles conditions, hormis la lecture, point de salut !