Il est fait pour les pleurs et voilé par l'ennui.
Ce triste balancier, dans son bruit monotone,
Marque d'un temps perdu l'inutile lenteur;
Le Secret perdu
Qui me consolera ? - "Moi seule, a dit l'étude ;
J'ai des secrets nombreux pour ranimer tes jours."
Les livres ont dès lors peuplé ma solitude,
Et j'appris que tout pleure, et je pleurai toujours.
Qui me consolera ? - "Moi, m'a dit la parure ;
Voici des nœuds, du fard, des perles et de l'or."
Et j'essayai sur moi l'innocente imposture,
Mais je parais mon deuil, et je pleurai encor.
Qui me consolera ? - "Nous, m'ont dit les voyages ;
Laisse-nous t'emporter vers de lointaines fleurs."
Mais, toute éprise encor de mes premiers ombrages,
Les ombrages nouveaux n'ont caché que mes pleurs.
Qui me consolera ? - Rien, plus rien ; plus personne.
Ni leurs voix, ni ta voix ; mais descends dans ton cœur ;
Le secret qui guérit n'est qu'en toi. Dieu le donne :
Si Dieu te l'a repris, va ! renonce au bonheur !
Dans les roses peut-être une abeille s’élance :
Je voudrais être abeille et mourir dans les fleurs !
(Poésies, 1830)
Laissez pleuvoir, ô coeurs solitaires et doux !
Sous l'orage qui passe il renaît tant de choses.
Le soleil sans la pluie ouvrirait-il les roses ?
Amants, vous attendez, de quoi vous plaignez-vous ?
[Extrait du poème La Jeune Fille et le Ramier]
Sans l’oublier, on peut fuir ce qu’on aime.
On peut bannir son nom de ses discours,
Et, de l’absence implorant le secours,
Se dérober à ce maître suprême,
Sans l’oublier !
Sans l’oublier, j’ai vu l’eau, dans sa course,
Porter au loin la vie à d’autres fleurs ;
Fuyant alors le gazon sans couleurs,
J’imitai l’eau fuyant loin de la source,
Sans l’oublier !
Sans oublier une voix triste et tendre,
Oh ! que de jours j’ai vus naître et finir !
Je la redoute encor dans l’avenir :
C’est une voix que l’on cesse d’entendre,
Sans l’oublier !
J'oubliai tout dès que l'Amour pleura
Son image
SOUVENIR
Quand il pâlit un soir, et que sa voix tremblante
S’éteignit tout à coup dans un mot commencé;
Quand ses yeux, soulevant leur paupière brûlante,
Me blessèrent d’un mal dont je le crus blessé;
Quand ses traits plus touchants, éclairé d’une flamme
Qui ne s’éteint jamais,
S’imprimèrent vivants dans le fond de mon âme,
Il n’aimait pas. – J’aimais !
Jours d'été (extrait)
Ma soeur, ces jours d'été nous les courions ensemble.
Je reprends sous leurs flots ta douce main qui tremble;
Je t'aime du bonheur que tu tenais de moi;
Et mes soleils d'alors se rallument sur toi!
La maison de ma mère (extrait)
L'ardent soleil de juin qui riait dans la chambre;
L'âtre dont les clartés illuminaient décembre ;
Les fruits, les blés en fleurs, ma fraîche nuit, mon jour,
Ma mère créait tout du fond de son séjour.
Depuis mes jours rêveurs gardent leur blanc génie ;
Toujours quand j'ai la fièvre il balance mon sort;
J'enferme sous mon front cet écho d'harmonie;
J'entends chanter ma mère et je ris à la mort!
Tristesse (extrait)
Oui! c'était une fête, une heure parfumée ;
On moissonnait nos fleurs, on les jetait dans l'air;
Albertine riait sous la pluie embaumée;
Elle vivait encor; j'étais encore aimée !
C'est un parfum de rose ...il n'atteint pas l'hiver.