Incensum nefarium
Baissez les yeux, mon père. Plus bas. Encore plus bas. Distinguez-vous dans la pénombre mon corps étendu, face contre terre ? J'aimerais prétendre que cette prostration est une signe d'humilité et de profond repentir. En vérité, j'y suis contraint par une affection chronique. Je souffre d'un vertige si débilitant que je ne peux même pas rester à genoux sans vaciller sur mes rotules. Comme je suis haut sur pattes, me tenir debout est une torture de chaque instant.
Le parapluie, comme son antithèse la douche, est un confort égoïste que nul ne devrait avoir à partager.
Ces accusations proférées contre moi, vous n’êtes pas le premier à les avoir entendues. Elles me précèdent partout où je tente de leur échapper, elles me pourchassent sans relâche avec toute la furie dont est capable le vent de la calomnie.
Durant le trajet, qui fut assez long parce que la voiture ne cessait de s’embourber, le père me demanda d’où je venais, si j’étais marié, si je jouais au polo — ce genre de questions qui prétendent vous cerner, mais révèlent plutôt les intérêts et les préoccupations de ceux qui les posent.
Il n’y a de noblesse que devant l’adversité ; le reste du temps, l’homme est trop content d’être égoïste
Par un curieux paradoxe, dans les pays où la nourriture est rare, on n’hésite pas à la partager — surtout en période de disette —, alors que dans nos contrées où règne l’abondance, on engrange jalousement les provisions.
Ce qui salit les mains ne salit-il pas aussi l’esprit ?
L'Eucharistie n'est-elle pas une sorte d'appât camouflant l'hameçon du salut, par lequel le Christ attire le fretin égaré et le ramène dans l'épuisette divine ?
Ainsi que je l'avais espéré, nous atteignîmes le dispensaire trempés jusqu'aux os. La robe de la jeune fille lui collait à la peau, moulant chacune des délicates apophyses épineuses de sa colonne vertébrale. Après le mauvais temps, mon cabinet privé semblait fort accueillant avec ses tapis, ses coussins et son divan profond. J'allai chercher un peignoir et une serviette de lin et, usant de mon autorité de médecin, je recommandai à mon invitée d'enlever au plus vite ses vêtements mouillés, de peur qu'elle n'attrape un croup fatal. Je lui ouvris la porte de la salle d'examen et lui indiquai un paravent derrière lequel elle pouvait se changer pendant que je préparerais le thé. J'étais en train d'allumer le réchaud quand elle apparut dans l'embrasure. (p.48)
(...) à bien y penser, l'Eucharistie n'est-elle pas une sorte d'appât camouflant l'hameçon du salut, par lequel le Christ attire le fretin égaré et le ramène dans l'épuisette divine?