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Critique de Madamedub


Lorsqu'on évoque la peste, son nom rappelle le terrible fléau moyenâgeux, qui décima entre 30 et 50% de la population européenne.

Mais ce que l'on ignore davantage, c'est qu'il a fallu attendre le XXème siècle pour que ce soit un mal définitivement éradiqué au moyen d'un vaccin.

Cette découverte, nous la devons à Alexandre Yersin. Son nom ne vous dit rien ? Pourtant l'homme n'était pas commun. Elève prodigue de Pasteur (il découvre à 23 ans la toxine diphtérique), il s'embarque comme médecin des Messageries Maritimes en Indochine Française. Nous sommes en 1890. Alors que des Instituts Pasteur s'ouvrent un peu partout dans le monde, Yersin refuse de céder au chant des sirènes et préfère à une vie de médecin reconnu celle d'explorateur et d'aventurier. Fidèle à l'Indochine, il y sera ouvreur de voies, blessé et laissé pour mort lors d'un combat avec des indigènes, éleveurs de bovins, cultivateurs d'hévéa et d'arbre de quinine…

Mais lorsqu'une épidémie de peste se déclare en Chine, il accepte de relever le défi. Travail, obstination, chance : il isole le bacille responsable, malgré le peu de moyens qui lui sont offerts. Il ramène donc la terrible maladie, le fléau du moyen-âge, comme un animal domestique dans son petit contenant.

À Paris, on est bien embarrassé avec ce fléau en tube….on le nourrit, il se multiplie et reste sous contrôle…mais pour le vaccin, c'est Yersin que l'on rappelle de sa lointaine contrée asiatique. Et, se pliant de bonne grâce au jeu, le scientifique revient et parvient à créer le premier vaccin anti-pesteux.

Pour aller jusqu'au bout du procédé, Yersin suit quelques épidémies et lance une production « artisanale » de son vaccin. Ce succès lui vaudra la reconnaissance de ses pairs, et plus tard une médaille de la légion d'honneur (bel exploit à une époque où, comme le souligne l'auteur, on ne la décernait pas aux footballeurs !).

Après Equatoria, qui retraçait la vie de Brazza et de ses contemporains, Patrick Deville se passionne une nouvelle fois pour ces vies d'aventuriers hors normes.

Yersin s'avère surprenant et passionnant à plus d'un titre. Il sera sans doute difficile de sonder son mystère même si on le connaît un peu plus personnellement au travers des lettres qu'il adresse à sa mère et à sa soeur. Homme de lubies, et homme de grand coeur, il laisse à Nha Thrang, en Indochine, un souvenir fort : sa grande maison, léguée à ses domestiques, et un Institut. Il sera passé au travers de la célébrité comme au travers de la guerre, des guerres ; son ultime départ de France alors que le nazisme monte sera le fil rouge du récit. Aurait-on mieux retenu son nom s'il avait été donné à un pneu ou à un quelconque autre outil du quotidien ? S'il avait soigné des européens à Paris plutôt que des anonymes en terre lointaine ?

C'est un sacré parcours que Patrick Deville narre avec simplicité et originalité.

À noter que le prix Femina lui a été décerné, et qu'il était en lice pour le Goncourt.
Lien : http://madamedub.com/WordPre..
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