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Critique de NicolasElie


« Crocs » – Patrick K. Dewdney
Éditions La Manufacture de livres – Collection Territori


Encore chez Pierre Fourniaud et Cyril Herry.

Tu vas encore augmenter ta liste de bouquins à acheter.
Je t'explique.
Il y a les livres que tu fermes, et que tu oublies. Tu vois desquels je parle ?
Là, on est à environ mille kilomètres de ces livres-là.
Comme d'hab, je te raconte pas l'histoire. Tu la liras, tu la découvriras, et elle va te laisser une marque au fond de la tête.
D'abord, écoute ça :
« On s'est perdus à ce moment, tous les deux. Quand on s'est mis à rêver l'autre plutôt que de le voir, alors qu'il était là. Qu'il était juste là. »
Dans le livre, il y a la nature. C'est sans doute le personnage principal. Celle que tu connais pas vraiment. Parce que la nature, celle que tu fréquentes, c'est la même que la mienne. Celle des balades en forêt, celle qui te blesse pas, celle qui est apprivoisée par des types qui coupent les arbres, qui balayent la poussière, qui tracent des chemins que tu peux suivre.
Là, le type, il est en cavale. Tu sais pas pourquoi. Des moments du passé s'inscrivent, petit à petit, dans un coin de ton cerveau, et tu commences à imaginer des choses.
Là, le type, il a peur. Vraiment peur. Il a peur des autres. Il veut pas les croiser. Il veut même pas les voir. Il va vers l'eau, vers le lac, vers un mur.
Patrick, c'est un poète. Il a écrit un autre livre avec des poésies dedans. Je l'ai pas lu. Mais dans celui-ci, t'as des phrases qui te restent dans le coeur :
« Tous les sacrifices de sang remplacés par une croix et trois clous, comme si cela pouvait suffire. »
Parfois, quand tu lis, tu te rends compte que t'as du mal à respirer. C'est pas toi, c'est le livre qui te prend l'air autour de toi.
Au fur et à mesure de ta lecture, tu mets des choses en place. Tu commences à imaginer pourquoi il est parti. Ce qui l'a mis sur ce chemin, avec le cabot. Parce que le type, il a le cabot qui le suit. Qui le précède souvent. Qui le regarde, qui lui parle avec ses yeux. le cabot, peut-être que c'est sa conscience. Celle qui le ramène près de sa femme et de ses filles.
Celle qui le ramène au passé.
« On se voyait moins. On se regardait moins. C'était moins pire, de cette façon. Parce que dans ce monde qui nous forçait à adhérer à ses règles ou à crever – Tout en appelant ça de la liberté –, ce qu'il y avait de plus dur, c'était nous. Nous, ce témoin permanent qui savait exactement comment l'autre souffrait, et qui endurait en même temps la morsure humiliante de la compromission. »
Tu vois ce que je veux dire ?
Écrire sur le couple, y en a plein d'autres qui l'ont fait. Plein.
J'ai rarement eu cette impression de partager des émotions avec une telle justesse. Comme si chaque mot avait été ciselé, poli, emboîté dans la phrase avec une précision telle que tu peux rien mettre à la place.
L'écriture à ce niveau-là, c'est de l'art pictural. T'as l'impression d'être devant une toile, et le mec qu'écrit, il peint.
Et toi, tu regardes.
Et tu découvres des paysages.
Et tu rencontres une âme.
Quand tu lis la dernière ligne, tu respires, d'abord.
Pas parce que t'es en apnée pendant 180 pages, mais parce que lire des textes de cette force-là, ça t'oblige à manquer de souffle parfois.
« Je ne suis qu'un conglomérat de matière. Un tas d'atomes à qui l'on a appris à gesticuler en direction d'un univers sourd et aveugle. Un amalgame de viande qui n'est là que pour un temps, une chose avortée qui parvient à peine à se souvenir des rêves qu'il aurait voulu devenir. »
T'y vois plus clair là ?
Il est sorti à La manufacture de livres il y a quelques mois.
Ça veut dire que si tu vas chez ton libraire, tu peux l'avoir chez toi dans une semaine.
C'est une bonne idée.
Tu me crois ?

Lien : http://www.leslivresdelie.com
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