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Dix, douze jours. Peut-être plus. Je ne sais plus depuis combien de temps je marche. Que j'arpente ces chemins, ces buttes. Que je traverse ces fossés, ces rus. Quelques gouttes de pluie. Un éclair zébrant le ciel déjà enflé. Il est temps que je quitte le goudron et je m'enfonce alors à nouveau au coeur de la forêt. Entre les arbres dégoulinants, la pioche dans la main, j'entends les halètements du cabot près de moi. Je poursuis ma route, de mes pas précautionneux. La pente se durcit et j'atteins le sommet de la colline sur un ultime effort. La pluie tombe dru tandis que le soleil se couche, sur la gauche. Avec le soir qui arrive, le froid me saisit soudainement. Il va falloir faire du feu même si ça ne m'enchante pas. le cabot et moi préférons l'ombre. Les flammes jaillissent, la fumée blanchâtre me fait tousser. La forêt tout autour tangue. Je ferme les yeux en me disant qu'il ne faudra pas que je traine demain...

Patrick K. Dewdney nous offre un roman pour le moins saisissant et particulièrement oppressant. Écrit à la première personne, l'on suit et l'on écoute cet homme qui semble fuir. Mais qui est-il ? Un fuyard ? Un homme perdu ? Et que fuit-il ? le cabot à ses pieds, la pioche sur l'épaule, l'homme avance inlassablement et précautionneusement à travers les forêts et les vallons, évitant le goudron et tout contact humain. Au fil des pages, un portrait se dessine petit à petit, l'auteur alternant passé et présent. Ce roman envoûtant, cette épopée sauvage, est d'une force insoupçonnée et d'une maîtrise impressionnante. L'on plonge dans une nature à la fois effrayante et vertigineuse. La forêt, personnage à part entière, habite avec force ce monde poétique, englué et violent. L'écriture, ciselée, riche, âpre, magnifie cette fuite en avant. Certaines descriptions sont d'une précision rare et l'ambiance plus que jamais apnéique. Un roman puissant et remarquable...
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Terriblement féroce ...........

Au départ je me suis demandé où l'histoire allait me mener ?
Je me suis retrouvée en pleine nature dans une course effrénée ......en fuite ....en compagnie d'un homme révolté ,un genre de fauve enfin libéré de sa cage mais constament sur ses gardes .......une histoire bouleversante ,parfois effrayante,une plume noire,profonde,ciselée ,un style sauvage,enragé,cruel,parfois inhumain mais terriblement accrocheur.
Moi qui suis férue de littérature américaine ,j'ai retrouvé dans ce roman l'ambiance cher à Ron RashDavid Vann .....

Extraits:
"On ne creuse pas le passé sans y trouver des échardes et de la souffrance"

"Je soupçonnais le bonheur d'être un état,un état transitoire qui n'admettait jamais d'être saisi,seulement d'être vécu...........Par brèves étincelles....."

Décidément la collection Territori (La manufacture des livres/édition Écorce ) ,nous réserve de belle surprise ,et nous fait découvrir de bien belles plumes.
Alors Amis Reader's ,vous qui avez succombé à la plume de Franck Bouysse,ne résistez pas aux charmes de cette autre plume (nature -writing)de Patrick K Dewney
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« Il flotte tout autour un parfum électrique. Sous mes pieds, la lande noire. Des millions d'années étalées là, arrachées à de lointaines entrailles, exhibées en une seule traînée obscène. Je m'accroupis en balancier sur les talons. Les doigts usés jouent dans les gravillons. Des ongles noircis s'agitent. de petits dieux crasseux, de perle et de corne, qui aligneraient des comètes de basalte. Dans mon dos, le vent palpite. Une bourrasque, puis une autres, et l'air se dilue comme une chose visqueuse faite d'huile et de nerfs. Mes tripes se contractent encore. Ça sort sur l'asphalte en clapotis, chaud et mou et puant. Ça restera là, dans l'odeur des passages, et ils ne pourront pas s'en servir pour me suivre. »
Lorsque j'ai entendu ce premier paragraphe de « Crocs » lu à l'occasion d'une interview de l'auteur à Mauves en Noir 2017 (salon du polar à Mauves sur Loire), j'ai pensé que débuter un roman de la sorte nécessitait de l'audace...
Un homme en fuite décrit son parcours, son quotidien, et sa quête. de temps à autre il se remémore son passé. de fait, l'issue de son voyage s'explique par ce qu'il a vécu. Sa pensée est parfois difficile à suivre, à l'image de l'écriture riche et imagée de Patrick C. Dewdney. J'admire le travail mais j'ai trouvé le résultat souvent trop alambiqué pour apprécier pleinement cette lecture. le langage et certaines thématiques de ce roman noir m'ont fait penser à l'excellent 'Plateau' de Franck Bouysse, mais avec une écriture cependant encore plus ampoulée (un dictionnaire à portée de mains n'est pas superflu, à moins que vous ne connaissiez déjà le sens de : « jéhenne », « céruléen », « hure », « glyphes », « ichor », « aiguail », et « séléniques »…). J'ai aimé l'histoire et le dénouement, et n'ai pas regretté ces efforts de lecture.

Merci aux MaGi !
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Cyril Herry et Pierre Fourniaud. Retenez bien ces deux noms car ces éditeurs possèdent le rare talent de concentrer dans leur nouvelle collection Territori, issue des éditions Ecorce et de la Manufacture de Livres, une palette d'auteurs exceptionnels comme Séverine Chevalier avec Clouer l'Ouest, ou Frank Bouysse avec Grossir le Ciel. Désormais il faut également compter avec Crocs de Patrick K Dewdney. Bien plus qu'un simple courant de type Nature Writing, Territori s'inscrit dans une volonté de mettre en lumière un artisanat de l'écriture finement ciselée d'où émane des textes d'une singulière puissance.

Crocs est indubitablement un roman noir que l'auteur a enveloppé d'une tonalité poétique peu commune en puisant, entre autre, dans la richesse d'une langue maîtrisée à la perfection. Des accents pastoraux pour un récit qui se déroule dans une succession de paysages sauvages du Limousin déclinés sur une scène unique de fuite dont ne connaît ni les raisons, ni les buts, hormis celui d'atteindre, par tous les moyens, ce Mur hostile. On découvrira en alternance à cette fuite, quelques réflexions du personnage et quelques souvenirs lointains le poussant à s'immerger corps et âme au coeur d'une nature hostile qui se révèle être son ultime alliée. Puis dans les cinq dernières pages s'illustrera la tragédie poignante révélant les vains desseins de cet homme mystérieux. Car l'autre particularité du roman réside dans le fait que l'auteur ne s'embarrasse pas de détails concernant l'identité du fuyard. Il le débarrasse de tout ce qui fait de lui un homme dit civilisé. Libéré de ces oripeaux humains, notre fugitif s'imprègne d'un mysticisme acétique. Cela prend parfois des tournures bibliques à l'instar de son corps déchiré par les épines, de l'hostie animale ou du but final qu'il s'est assigné. Outre l'aspect divin, l'homme prend conscience, au fur et à mesure de l'échappée, de son animalité qui donne son titre au roman.

Dans Crocs, vous vous immergerez dans les profondeurs troubles d'une nature magnifiée par un torrent de phrases et de mots qui donnent toutes leurs saveurs à ce roman sauvage qui pose les questions que personne ne souhaite formuler et auxquels personne n'ose répondre. D'ailleurs, dans cette errance forestière, l'homme a cessé depuis longtemps de s'interroger en laissant tout derrière lui, hormis cette pioche qu'il porte comme un fardeau. Il ne lui reste que cette fragile certitude d'avancer jusqu'au Mur accompagné des souvenirs enfouis de ce peuple oublié dont les reliques hantent la forêt.

Patrick K Dewdney dresse le constat amer et pessimiste d'une civilisation disparue qui fait écho à notre monde en voie de désintégration dont la spirale sans issue contraindrait des hommes lucides aux actes les plus extrêmes afin de s'extraire du système. En contrepartie, il nous offre un texte fait de sensations et de ressentis où le lecteur perçoit le goût de l'eau impétueuse, la douceur de la mousse spongieuse et les effluves des écorces chauffées par le soleil. Un récit tout en vigueur et en douceur à l'image de ces bois sauvages dont on ne ressort pas indemne.

Lorsque l'on découvre Crocs, on capte immédiatement le talent d'un auteur qui maîtrise les jeux de l'écriture en façonnant des phrases toutes plus belles les unes que les autres. Il serait vraiment dommage de passer à côté d'un tel roman.
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Trouver les mots pour parler de Crocs n'est pas chose facile. La vérité c'est que ce texte est beau à en pleurer et d'une puissance incroyable. Imaginez le meilleur de Burroughs, de Kerouac et de London en vraiment très noir. Vous ne voyez pas ? C'est normal, il faut le lire pour comprendre. Ce livre m'a retourné l'âme et l'estomac. Pourtant je ne suis pas une lectrice facile, mais là, je ne m'en remets pas.
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Un roman noir où l'homme se débat dans la complexité de la nature dans l'espoir de venir à bout de ses propres démons.
 Avant de vous parler de mon ressenti sur ce magnifique roman, j'aimerai vous présenter la collection territori. Ou plus exactement laisser le directeur de cette nouvelle collection à la manufacture du livre vous . Voilà ce qu'on dit Cyril Herry :
"Se référer au Nature Writing ne consiste pas à prétendre que la France possède son Montana ou son Wyoming, ni surtout à comparer la griffe d'auteurs américains, de Jim Harrison à Ron Rash, de David Vann à Cormac McCarthy, pour ne citer qu'eux, à celle des auteurs français que la collection Territori envisage de publier. Nous n'avons ni le même rapport à l'espace, aux distances, ni surtout la même histoire, mais il aurait été très prétentieux d'inventer un nouveau terme et absurde de prétendre inaugurer un nouveau genre, d'autant que la littérature en France est loin d'être vierge en matière d'écriture de la nature. Il ne s'agit donc pas de « se mesurer à », ou de « faire comme », mais d'investir un territoire existant et de le questionner à une époque déterminée."
Vous l'aurez compris, les éditeurs tentent de défendre des auteurs qui « écrivent la nature ».
Et ce titre justement est une magnifique ode à la nature mais aussi à la condition humaine. Dans un style littéraire magnifique, Patrick Dewdney nous offre un nature-writing de tout beauté qui vous submerge et vous bouleverse profondément.
J'avoue l'écriture m'a quelques peu désarçonnée au tout début, avant de m'emporter et de m'engloutir totalement.
Lien : https://collectifpolar.com/
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Un homme titube dans la nature avec pour seul objectif : atteindre le Mur.
On suit ses pensées qui s'écoulent continuellement entre passé et présent, à la limite de la cohérence.
Ce n'est pas un livre facile à lire du tout. Soit à cause du style ciselé, au vocabulaire si précis qui nous laisse à peine respirer, soit par ces pensées proches du délire qui démarrent sans qu'on en ait le signal de départ et qui ont l'air de courir devant nous, ne faisant une pause que pour raconter la vie d'avant la fuite.
C'est un roman de révolte où tout compromis n'est que compromission et déni de soi.
Aucun apaisement ne semble possible.
On ne peut être qu'avalé, étouffé par le système.
Un roman hargneux et désespéré.
Intelligent.
Surprenant.
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Libre, sauvage et sans espoir, dans la forêt limousine. Impressionnant.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/09/15/note-de-lecture-crocs-patrick-k-dewdney/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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« Crocs » – Patrick K. Dewdney
Éditions La Manufacture de livres – Collection Territori


Encore chez Pierre Fourniaud et Cyril Herry.

Tu vas encore augmenter ta liste de bouquins à acheter.
Je t'explique.
Il y a les livres que tu fermes, et que tu oublies. Tu vois desquels je parle ?
Là, on est à environ mille kilomètres de ces livres-là.
Comme d'hab, je te raconte pas l'histoire. Tu la liras, tu la découvriras, et elle va te laisser une marque au fond de la tête.
D'abord, écoute ça :
« On s'est perdus à ce moment, tous les deux. Quand on s'est mis à rêver l'autre plutôt que de le voir, alors qu'il était là. Qu'il était juste là. »
Dans le livre, il y a la nature. C'est sans doute le personnage principal. Celle que tu connais pas vraiment. Parce que la nature, celle que tu fréquentes, c'est la même que la mienne. Celle des balades en forêt, celle qui te blesse pas, celle qui est apprivoisée par des types qui coupent les arbres, qui balayent la poussière, qui tracent des chemins que tu peux suivre.
Là, le type, il est en cavale. Tu sais pas pourquoi. Des moments du passé s'inscrivent, petit à petit, dans un coin de ton cerveau, et tu commences à imaginer des choses.
Là, le type, il a peur. Vraiment peur. Il a peur des autres. Il veut pas les croiser. Il veut même pas les voir. Il va vers l'eau, vers le lac, vers un mur.
Patrick, c'est un poète. Il a écrit un autre livre avec des poésies dedans. Je l'ai pas lu. Mais dans celui-ci, t'as des phrases qui te restent dans le coeur :
« Tous les sacrifices de sang remplacés par une croix et trois clous, comme si cela pouvait suffire. »
Parfois, quand tu lis, tu te rends compte que t'as du mal à respirer. C'est pas toi, c'est le livre qui te prend l'air autour de toi.
Au fur et à mesure de ta lecture, tu mets des choses en place. Tu commences à imaginer pourquoi il est parti. Ce qui l'a mis sur ce chemin, avec le cabot. Parce que le type, il a le cabot qui le suit. Qui le précède souvent. Qui le regarde, qui lui parle avec ses yeux. le cabot, peut-être que c'est sa conscience. Celle qui le ramène près de sa femme et de ses filles.
Celle qui le ramène au passé.
« On se voyait moins. On se regardait moins. C'était moins pire, de cette façon. Parce que dans ce monde qui nous forçait à adhérer à ses règles ou à crever – Tout en appelant ça de la liberté –, ce qu'il y avait de plus dur, c'était nous. Nous, ce témoin permanent qui savait exactement comment l'autre souffrait, et qui endurait en même temps la morsure humiliante de la compromission. »
Tu vois ce que je veux dire ?
Écrire sur le couple, y en a plein d'autres qui l'ont fait. Plein.
J'ai rarement eu cette impression de partager des émotions avec une telle justesse. Comme si chaque mot avait été ciselé, poli, emboîté dans la phrase avec une précision telle que tu peux rien mettre à la place.
L'écriture à ce niveau-là, c'est de l'art pictural. T'as l'impression d'être devant une toile, et le mec qu'écrit, il peint.
Et toi, tu regardes.
Et tu découvres des paysages.
Et tu rencontres une âme.
Quand tu lis la dernière ligne, tu respires, d'abord.
Pas parce que t'es en apnée pendant 180 pages, mais parce que lire des textes de cette force-là, ça t'oblige à manquer de souffle parfois.
« Je ne suis qu'un conglomérat de matière. Un tas d'atomes à qui l'on a appris à gesticuler en direction d'un univers sourd et aveugle. Un amalgame de viande qui n'est là que pour un temps, une chose avortée qui parvient à peine à se souvenir des rêves qu'il aurait voulu devenir. »
T'y vois plus clair là ?
Il est sorti à La manufacture de livres il y a quelques mois.
Ça veut dire que si tu vas chez ton libraire, tu peux l'avoir chez toi dans une semaine.
C'est une bonne idée.
Tu me crois ?

Lien : http://www.leslivresdelie.com
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Patrick Dewdney? le Patrick Dewdney du formidable Cycle de Syffe? Quand je tombe sur ce livre dans la bibliothèque municipale de Dijon, je suis intrigué. Et, quelques jours plus tard, je ne suis plus intrigué mais interdit. L'écriture est ample, riche, foisonnante, très poétique, oui, mais j'ai bien du mal à comprendre cette oeuvre, inclassable, rétive à la compréhension, se rapprochant de Jaworski par son goût pour l'évocation des peuples celtes, sombre pour ne pas dire glauque, nihiliste au possible. Une exploration au couteau des tréfonds de l'âme humaine qui laisse un goût âcre dans la bouche.
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