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Critique de PascalOlivier


Profitons du recueil de nouvelles Total Recall publié chez Folio SF pour explorer un peu plus les écrits de cet écrivain si singulier… La première nouvelle, Rapport minoritaire, nous plonge d'entrée dans l'univers de l'auteur. le monde décrit est à la fois très banal par sa quotidienneté qui rappelle furieusement notre vie de tous les jours, mais d'étranges éléments technologiques très réalistes viennent parasiter cette normalité. Et c'est précisément là que réside la principale force narrative et stylistique de Philip K. Dick, dans ce dérèglement du quotidien qui va affecter non seulement le « héros » de cette (més)aventure, mais également toute la réalité décrite et va même parfois faire vaciller les fondations de la représentation de notre propre réalité. Si, en 2002, Steven Spielberg a choisi la voie de l'ultra-technologie pour montrer le futur de Minority report, on est en droit de préférer largement le futur tel que l'a décrit l'écrivain en 1956, où les corps mutants sont enchevêtrés dans des câbles, où la transparence technique disparaît sous les tractations souterraines et politiques. Lire Philip K. Dick aujourd'hui n'a rien d'archaïque, au contraire. Ce rétro-futurisme brut et protocolaire cache des abîmes métaphysiques qui fait de cet auteur un géant de la littérature américaine.

En enchaînant les addictives nouvelles tel que Un jeu guerrier ou Ah, être un gélate, il n'est pas interdit de penser aux délicieux épisodes de la mythique série The Twilight Zone (renommée La Quatrième Dimension en France) tant on retrouve ce goût malicieux pour la vie extra-terrestre et les chutes incroyables qui concluent ces récits où par exemple un homme banalement nommé George Munster va devenir une rayonnante masse visqueuse. Quant à la nouvelle souvenirs à vendre qui inspira le film Total Recall, il est difficile d'être aussi indulgent avec l'adaptation tout en testostérone de 1990 après avoir lu cette plongée vertigineuse dans la mémoire d'un homme qui se découvre lui-même au fur et à mesure d'expérimentations hasardeuses sur son subconscient.

On se demande quand même dans quel était Philip K. Dick lorsqu'il écrivit des nouvelles comme La foi de nos pères ou La fourmi électrique. Ces récits sont tellement paranoïaques qu'ils deviennent aussi enthousiasmants qu'inquiétants à lire. Homme ou machine, monstre ou Dieu, les repères nous lâchent, la confusion nous gagne, la perplexité devient le moteur même de la réflexion pour toute chose, matière comme esprit. Nouveau modèle et L'imposteur achèvent le lecteur en lui proposant deux remarquables récits de science-fiction doté d'un sens du suspense basé sur l'incrédulité des héros à vivre une situation qui ne devrait pas être. Philip K. Dick sait raconter des histoires, il le fait même remarquablement bien, mais il se démarque des autres auteurs par son sens halluciné et hallucinant de nous faire douter de tout, à chaque instant. Il nous invite à remettre en cause nos croyances et nos habitudes, et nous fait voir que derrière la technologie se cache bien souvent la brutalité et derrière les sourires des crocs acérés.
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