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Critique de Zebra


Le Grillon du foyer (titre original : The Cricket on the Hearth. A Fairy Tale of Home) est une nouvelle de Charles Dickens. Parue le 20 décembre 1845, cette nouvelle se présente dans la version des éditions Nelson (Édimbourg, Écosse) en petit format (11 x 16 cm) et bénéficie d'une couverture sympathique dite « en trois couleurs » qui représente John confortablement assis dans son fauteuil au coin d'un feu de cheminée et Dot, sa femme, lui tendant affectueusement une pipe à long manche qu'elle vient de bourrer. le Grillon du foyer est le troisième des cinq contes de Noël de Dickens et c'est aussi un des plus populaires. Regroupé avec quatre autres contes de Noël, le Grillon du foyer a eu un succès retentissant lors de sa parution.

L'histoire ? John (page 21) est « le meilleur, le plus dévoué et le plus affectueux des maris ». Sa femme, Dot, correspond à l'image de l'épouse idéale (page 66) : elle est « une compagne patiente, une garde dévouée, une fidèle amie, infatigable, fidèle, attentionnée et aimante ». Ils vivent tous deux un grand amour sous la protection du grillon de leur foyer, car (page 20) « chacun sait qu'un grillon de cheminée porte bonheur à une maison ». Quand Tackleton, un voisin, leur dit qu'il compte se marier, alors (page 25) le grillon du foyer se tait et « l'atmosphère de la pièce » perd « de sa gaieté ». Songez donc (page 34), Tackleton voudrait épouser May, une jolie jeune femme de plusieurs années sa cadette ; or Tackleton est une sorte d'ogre domestique qui exècre les enfants, enfants dont il tire pourtant sa fortune puisqu'il fabrique des jouets à leur attention, mais pas n'importe quels jouets, des jouets terrifiants (« tout nouveau jouet capable de donner le cauchemar l'enchantait »). Tackleton (page 38) est en outre un tueur de grillons ! Caleb, un autre voisin de John, vit avec sa fille, Bertha, aveugle de naissance. Ils fabriquent tous deux des jouets (page 50) : des poupées, des maisons de poupées, des arches de Noé, des charrettes, des violons, des tambours, des clowns et des animaux à ressorts et à manivelles. Caleb fait l'impossible pour rendre Bertha heureuse ; il lui fait croire qu'elle vit dans le luxe car c'est le seul moyen qu'il ait trouvé pour lui témoigner son amour et lui apporter un peu de joie, dans (page 56) une « comédie perpétuelle pour l'amour de sa fille infirme ». Un jour, Tackleton surprend Dot en conversation avec un jeune homme. Ce jeune homme, prénommé Édouard, est le fils de Caleb : revenu des Amériques (page 132), Édouard est fort, vigoureux et hâlé. Tackleton fait croire à John que Dot le trompe, ce qui déclenche la colère de John qui songe à tuer Édouard. Heureusement, il n'en fera rien car le grillon du foyer et les bonnes fées veillent à conserver chez tout ce beau monde d'excellentes relations, qui plus est en ce temps de Noël. A la fin de cette nouvelle, John et Dot se retrouvent « nageant dans le bonheur le plus complet ».

Mon avis ?

Il s'agit d'un conte de fées, et ce conte est attachant, pour ne pas dire émouvant si tant est qu'on ait la larme à l'oeil facile. Or, Noël qui est une période particulière de l'année, correspond dans l'imaginaire collectif à un moment de générosité, de pardon et d'amour. Ce récit, qui fait vibrer la corde sensible de chaque lecteur, est écrit par un conteur inimitable. Voyez plutôt : c'est avec le chant combiné de la bouilloire et du grillon du foyer que commence la nouvelle. Et le lecteur nage très vite dans la plus complète félicité : le foyer de John et de Dot est un foyer modèle où les vieilles personnes reçoivent un accueil chaleureux ; la misérable bicoque dans laquelle vit Bertha se transforme, sous la parole magique de Caleb, en une magnifique habitation où les jouets mènent une vie délicieuse. Et même Tackleton, qui incarnait au début du récit la méchanceté la plus noire, finit par s'excuser auprès de John et de Dot, époux admirables auxquels il offre un superbe gâteau et des jouets pour leurs enfants, avant d'inviter l'acariâtre Mme Fielding à danser : une transformation qui n'aurait pas été possible sans la magie de Noël, les fées et le grillon du foyer !

Conteur hors pair, Dickens nous brosse avec humour (il s'agit d'humour anglais) et ironie des portraits pittoresques, à la limite de la caricature : ainsi (page 76), Tackleton était « aussi parfaitement à l'aise et véritablement dans son élément qu'un jeune saumon au sommet de la grande pyramide » et quant à Mme Fielding, raide et guindée, elle n'hésite pas à déclarer (page 77), empreinte de convenances et tenant des propos aussi solides qu'irréfutables, qu'il faut « être correct ou mourir ». de plus, vous trouverez quelques clins d'oeil amusés et taquins à l'adresse d'un lectorat ou d'un public pétri de bonnes manières : ainsi (page 67), « le vieux cheval, dont Tackleton avait décoré la tête de fleurs et de rubans, avait usé de la permission qu'il avait d'abîmer la route pour plus que la valeur du droit de péage que son maître versait journellement à la barrière, en imprimant sur le sol d'impatients autographes ». Quant au chien Boxer, son comportement (avec ses allers et venues particulièrement divertissantes) ressemble parfois à celui d'un être humain. le coup de pinceau est globalement net et précis : du beau travail !

Au-delà de ça, Dickens ne fait pas dans l'analyse psychologique raffinées. Et la candeur naïve dont il affuble John, Dot et Bertha semblera friser le ridicule ; ainsi (page 103), le grillon se met à chanter « réveillant ce qu'il y avait de meilleur en lui » et (page 108) les fées se tournent vers John pour le calmer et le conseiller, lui montrer que Dot est toujours belle et souriante, active, radieuse, charmante, un « vrai soleil de la maison ». En outre, en pleine ère victorienne, Dickens se limite à nous montrer des foyers misérables où, certes, la misère des uns est criante de réalité par rapport à l'avarice des autres (Caleb ne fait-il pas croire à Bertha qu'il est choyé par son employeur?), mais il n'y a pas de réelle dénonciation de la misère sociale et des ravages de la révolution industrielle. Alors, Dickens serait resté dans le politiquement correct ? le sujet de cette nouvelle c'est le mariage et la fidélité : la morale de cette nouvelle c'est que le grillon veille et aide les gens à voir plus clair, à distinguer le bien du mal ! Dans le Grillon du foyer Dickens, sous couvert d'un conte de Noël, nous livre avec tous les archétypes habituels (un vieux méchant, une jeune amoureuse, un jeune soupirant, des fées …) et au milieu de situations incongrues et surnaturelles (les fées rendent visite aux personnages et leur parlent, afin de les guider !) une réflexion optimiste, dynamique, humoristique et amusée sur la vie quotidienne de son époque. Conte de Noël, tendre et bien mené, comédie ou farce douce et sucrée ? En tous cas, un texte agréable, à lire ou à relire.
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