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Critique de Melpomene125


« Mais n'allez jamais croire que la guerre, même la plus nécessaire, même la plus justifiée, n'est pas un crime. Demandez-le aux fantassins et aux morts. » Ainsi commence Les Derniers Jours de nos pères, par une citation d'Ernest Hemingway. Cette épigraphe m'a beaucoup plu et elle donne le ton du roman qui est un hommage à ces jeunes hommes et ces jeunes femmes d'une vingtaine d'années, en 1941.

À travers l'histoire de la naissance du SOE, une branche particulière des services secrets britanniques, Joël Dicker, dans ce premier roman, qui a reçu le prix des écrivains genevois en 2010, développe une belle réflexion sur l'héroïsme. Qu'est-ce qu'un héros ? Y a-t-il d'un côté les héros, les courageux et de l'autre les lâches, les traîtres ou la réalité de la guerre est-elle beaucoup plus complexe que cela ?

Les Derniers Jours de nos père est un beau roman bien écrit, empreint d'émotion.
J'ai suivi avec intérêt le parcours de Pal, Laura, Faron, Claude, Gros et les autres. Ils ont choisi de s'engager et suivent un entraînement très difficile pour devenir des agents de terrain, membres de la Section F, « celle des Français indépendants », ni liés à De Gaulle ni aux communistes ni à qui que ce soit d'autre.

Je me suis parfois demandé comment Laura arrivait à suivre avec succès les mêmes entraînements physiques que Faron qui est décrit comme une grosse brute, un colosse alors que Laura apparaît comme une femme douce, belle, maternelle, qui sent bon l'abricot. Je me suis dit que ce n'était pas très réaliste, d'autant plus que la manière dont elle se débrouille pendant les épreuves de sélection n'est pas évoquée. J'ai regretté de ne pas en savoir davantage mais cela n'a pas duré longtemps car j'ai vite été happée par le récit, dont l'intérêt majeur se situe au niveau de l'émotion et de la psychologie des personnages, des liens forts d'amitié, d'amour qui se tissent entre eux. Ce sont des liens pour la vie et d'ailleurs les vétérans se nomment parfois entre eux « frères d'armes ».

Le personnage de Gros m'a particulièrement émue. Gros est son nom de guerre mais c'était surtout le nom qu'utilisaient à l'école ses camarades pour se moquer de lui. Grâce à son engagement au sein du SOE, il a trouvé une famille, lui qui a tant besoin d'être aimé et que personne n'aimait. Il y a aussi trouvé un sens à sa vie.

Quant à Pal, Paul-Émile, de son vrai nom, la relation qui l'unit à son père est bouleversante.
Pal est un poète, il aime les livres, il s'est engagé pour que les Hommes restent des Hommes et ne perdent pas leur humanité. Mais ne va-t-il pas la perdre en faisant la guerre? Ou au contraire va-t-il la conserver ? Il a écrit « sa poésie du courage » qu'il se répète dans les moments difficiles :

« Que s'ouvre devant moi le chemin de mes larmes,/ Car je suis à présent l'artisan de mon âme./ Je ne crains ni les bêtes, ni les Hommes,/ Ni l'hiver, ni le froid, ni les vents./ Au jour où je pars vers les forêts d'ombres, de haines et de peur,/ Que l'on me pardonne mes errements et que l'on me pardonne mes erreurs, / Moi qui ne suis qu'un petit voyageur,/ Qui ne suis que la poudre du vent, la poussière du temps./ J'ai peur./ J'ai peur./ Nous sommes les derniers Hommes, et nos coeurs, en rage, ne battront plus longtemps. »

Pour ceux qui ont survécu à la guerre, comment retrouver son humanité, cesser d'être hanté par les horreurs faites ou subies, les châtiments de l'épuration, dont certains étaient des erreurs, des injustices accomplies dans le feu de l'action et de la haine ? Comment oublier la haine et avancer, accepter ce que l'on est devenu sans oublier totalement, car le Mal pourrait revenir ?

Ce roman offre de beaux moments de réflexion. le titre est très bien choisi, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à mon grand-père qui avait le même âge que Pal en 1941. Ces jeunes hommes qui avaient des pères et qui sont, pour certains, devenus eux aussi des pères puis des grands-pères. Les derniers jours de nos pères… et de nos grands-pères…

Je ne comprends pas pourquoi les médias parlent si peu de ce roman qui est le meilleur des deux que j'ai lus de Joël Dicker, de mon humble avis de lectrice. L'Affaire Harry Quebert est une lecture plaisante qui a donné lieu à une mini-série agréable à regarder en famille mais Les Derniers Jours de nos pères pourrait être aussi une belle fiction historique, instructive et émouvante. « Plaire et instruire », les deux aspects essentiels de l'art et des spectacles, me semble-t-il. Ce n'est pas de moi mais, je crois, d'Horace, si mes souvenirs sont bons ! Je remercie mes amies babelionautes Enjie77 et Oran qui, par leurs chroniques, ont attiré mon attention sur ce texte.
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