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Critique de Lamifranz


Face aux littératures européennes, la poésie américaine fait un peu pâle figure. D'accord, elle n'a que deux siècles contre les deux ou trois millénaires (si on compte l'Antiquité gréco-latine) de notre vieille Europe : les poètes américains ne sont pas très nombreux (et très mal connus en Europe, de surcroît) : les plus célèbres chez nous sont Edgar Poe et Walt Whitman, les seuls qui aient eu une audience à peu près régulière. Mais on redécouvre à présent d'autres poètes majeurs, dont une poétesse majuscule, Emily Dickinson.
Emily Dickinson (1830-1886) est une autrice singulière et intéressante à plus d'un titre. Avant de parler de son oeuvre, il faut évoquer sa vie, qui l'explique dans ses grandes lignes. Issue d'une famille de tradition puritaine, d'une orthodoxie étouffante, Emily grandit entre la chorale de l'église et le collège de sa ville où elle parfait ses connaissances. Mais en dehors des cours, elle n'a droit à aucune distraction, et c'est « sous le manteau » qu'elle découvre « Jane Eyre » et certaines littératures jugées immorales (il n'en fallait pas beaucoup) par la petite communauté. Enfant pleine de vie, sociable, ouverte et spirituelle, elle se referme peu à peu dans une vie intérieure mélancolique. Ce qui ne l'empêche d'avoir de nombreuses amitiés (surtout épistolaires) et de nourrir une oeuvre poétique foisonnante (on lui attribue mille huit cents poèmes dont seuls une douzaine furent publiés de son vivant). Cette poésie est d'une richesse incroyable, car elle aborde tous les grands sujets qui lui sont chers : la mort (qui l'a traumatisée très tôt), la vie, l'amour (qu'elle a toujours idéalisé) et surtout deux thèmes majeurs, la foi (et ses interrogations) et la nature (avec une prédilection pour les fleurs et les jardins). Toujours vêtue de blanc, elle est surnommée « La Reine recluse » ou « La vierge amoureuse ». de santé fragile toute sa vie, il semble qu'elle soit morte à 56 ans d'une insuffisance rénale chronique.
Drôle de vie n'est-ce-pas (et encore drôle n'est sans doute pas le mot approprié). Ça évoque fortement la vie des soeurs Brontë (surtout Emily, comme quoi le prénom…), ses cousines du Vieux Continent. Mais cette vie est à l'origine d'une oeuvre unique, enthousiasmante, bouleversante, d'une profondeur extrême, tout à fait singulière dans son inspiration autant que dans son style : nous avons vu quelle était ses thèmes préférés, habités parfois de mysticisme et parfois d'humour, il faut maintenant parler du ton employé, à la fois familier et ironique, souvent émerveillé devant les beautés de la nature, parfois proche de la dérision et du doute ou de la désespérance, personnel et même intime, et touchant parfois à l'universalité.
« Je me dis, la Terre est brève –
Et l'Angoisse – absolue –
La douleur partout.
Et alors ?

Je me dis on peut mourir –
Les Forces les plus vives
Sont vouées à la Corruption.
Et alors ?

Je me dis qu'au Ciel –
Cela risque d'être la même question –
Avec une nouvelle Equation –
Et alors ? »

Si vous ne connaissez pas Emily Dickinson, cette petite anthologie (bilingue) vous donnera une excellente idée de cette oeuvre exceptionnelle. Puis si vous êtes tombé sous le charme, (comme moi et beaucoup d'autres), vous vous procurerez les « Oeuvres complètes » éditées chez Flammarion.
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