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Critique de SebastienFritsch


Cet auteur-là sait écrire, c'est indéniable. Il manie très habilement un langage vif, imagé, souvent amusant, qui sait tout aussi bien nous peindre des décors de grands espaces ou de villes, nous évoquer des états d'âmes de fin d'adolescence, ou nous faire part avec la plus grande précision (mais sans être ennuyeux) de considération cartographiques, archéologiques, ethnologiques, informatiques, ichtyologique, etc. Mais là encore, le style vivant et piquant sait faire sourire, même sur des digressions de ce genre.
La trame du roman en elle-même est un voyage. Un voyage entre trois vies, un voyage sur une décennie (de 1989 à 1999), un voyage qui ramène toujours aux rues de Montréal, quel que soit le point de départ : les plaines de la Saskatchewan, un village de pêcheurs de la Basse-Côte-Nord ou une librairie de la Petite-Italie. Oui, ce dernier lieu est lui-même situé dans Montréal, mais le personnage qui y passe ses journées a une telle propension à divaguer qu'il semble souvent revenir de très loin. A moins qu'il revienne simplement des livres.
Mais la métropole québécoise n'est pas le seul point commun des trois vies que Nicolas Dickner nous invite à suivre. Il y a aussi l'âge de ces deux garçons et de cette fille (environ 20 ans en 1989, première époque du roman). Il y a aussi leur état d'esprit, leurs airs un peu paumés, leurs envies de changer d'air, peut-être pour changer de vie, peut-être pour simplement retrouver les repères de la vie qui aurait dû être la leur, si... si l'autre point commun de leur existence n'avait pas disparu.
Cet autre point commun, que je cite en dernier mais qui est fondateur de tous les autres, s'appelle Jonas Doucet. Oncle de la jeune fille, il est géniteur (peut-on dire père?) des deux garçons. Deux garçons qui ne se connaissent pas, puisqu'ils n'avaient aucune raison de se rencontrer : ils sont nés de deux mères différentes, au hasard des pérégrinations de ce baroudeur de Jonas Doucet. Aucun de ces deux demi-frères ne connait ce géniteur, pas plus que leur cousine, d'ailleurs.
Et les repères que recherchent ces trois jeunes, de même que leur mal-être, lié à leur mode de vie solitaire, de même que tout leur comportement et leurs choix, semblent influencés par cet invisible parent.
Mais que trouveront-ils de significatifs au cours de leurs recherches ? Un métier ? un rôle ? une mission ? une relation ? une passion ?
Et ce qu'ils trouveront est-il vraiment ce qu'ils cherchaient ?
Et ce qu'ils trouveront leur permettra-t-il de se satisfaire ?
Et ces trois recherches personnelles trouveront-elles entre elles un lien, un point de croisement, que la ville de Montréal semble pouvoir être ?
Je me suis posé toutes ces questions. Quelques réponses sont données. Mais beaucoup restent en suspens.
Pourtant, on continue la lecture : portraits plaisant, ambiance bien dépeintes, style vif, imagé, amusant m'ont entraîné encore avec plaisir de page en page.
Et c'est ce qui reste, une fois le roman refermé : le style. Mais il reste aussi, malheureusement, l'impression que Nicolas Dickner a ouvert beaucoup de pistes sur lesquelles il n'a pas suffisamment avancé : des motivations pour ses personnages, leurs états d'âmes, la réalisation de certains de leurs projets, la succession de certains évènements qui devraient être forts, tout cela est traité avec beaucoup de superficialité.
Et dans ce contexte, les quelques hasards qui tombent du ciel (pour parfois ne pas mener très loin), semblent encore plus futiles. Comme des petites touches de peinture rajoutées sur la belle toile que Nicolas Dickner nous offre. Mais son art de l'écriture aurait été mieux employé si on avait pu trouver, derrière la toile, un peu plus de consistance.
En fin de compte, il s'agit quand même d'un bon roman pour ses ambiances, pour sa découverte de certains lieux et de certaines habitudes. Grâce à cela et à la plume de son auteur, j'aurais envie de suivre Nicolas Dickner dans ses prochains romans. Au moins pour voir s'il saura faire oublier ce petit défaut du premier en approfondissant un peu plus ses sujets.
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