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Critique de michfred


Avant même de lire le Neveu, je l'ai rencontré...au théâtre , sa forme dialoguée se prêtant merveilleusement à la mise en scène, et au ballet virevoltant et paradoxal des idées de Diderot, à leur dialectique étourdissante! J'étais très jeune, et ce spectacle, très réussi, donné à Bruxelles par la comédie Claude Volter, dans un vieil hôtel particulier où Diderot et son compagnon devisaient à 10 mètres de nous, devant un feu de bois, a cristallisé ma passion pour ce texte et pour son auteur!

J'ai, depuis , souvent relu cet exercice de voltige brillant où Denis Diderot le philosophe , sérieux et légèrement embourgeoisé par l'âge et la notoriété, rencontre avec une méfiance non dénuée d'intérêt ni de malin plaisir, le jeune neveu du musicien Rameau, sorte de trublion pique-assiette, esprit brouillon et provocateur de génie , adepte des théories les plus fumeuses sur à peu près n'importe quoi- et prêt à les renier pour en professer d'autres tout aussi saugrenues le lendemain, selon qu'on lui a donné ou refusé à manger ou à boire!

Chacun sait que ce face-à-face est aussi - et avant tout- un face-à-face de Diderot avec lui-même , sa moitié contestataire en apparence réincarnée dans le neveu - sorte de second lui-même mais plus jeune, et soudain libéré de toute bien-pensance, délivré de cette sagesse qui devait lui peser parfois...

Le neveu de Rameau est un prête-nom à la fois reconnaissable- c'était une "figure" célèbre des cafés philosophiques et des parties d'échec- et commode: elle permet à notre philosophe de retrouver une impertinence, une liberté de ton, un non-conformisme qui secoue un peu le vieux monsieur trop sérieux qui a besoin qu'on le titille un peu pour réfléchir et argumenter.

Et cette extraordinaire vitalité fait aussi le bonheur de notre alacrité de lecteur: si vous cherchez un prêt-à-penser, passez votre chemin! Point de leçon, pas de morale toute tirée à découper selon le pointillé...

D'autant que très subtilement les choses s'inversent: celui qui semblait professer les idées les plus révolutionnaires s'avère mû par le désir de provoquer ou de trouver sa subsistance plus que par une vraie vision sociale, alors que le philosophe un peu plan-plan du début s'avère être un grand visionnaire politique et moral...

Un dialogue plein de surprises, de faux-semblants, de faux-frères ou de faux jumeaux: un vrai plaisir à lire et à relire, dont on ressort chaque fois un peu moins bête!
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