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Critique de patachinha


Fin février de cette année, j' ai assisté à une conférence de Patrick Dils à Lille. Pour moi ce fut une belle expérience, car d' entendre son témoignage m' a beaucoup touchée… Prendre conscience que cet homme qui était assis la, 4/5 mètres en face de moi, a passé 15 ans de sa vie en prison pour deux crimes qu' il n' a pas commis! C' est simplement inimaginable pour nous qui n‘ avons jamais été privés de liberté!

L' entendre parler m' a fait un drôle d' impact, et je pense que de voir la personne est plus fort encore que lire ses mots tranquillement assise dans un fauteuil…



Pourtant j' ai eu l' envie de lire son livre tout de même, par curiosité. Un jour me promenant au Furet je demande où je pouvais trouver son livre. J' ai souri intérieurement face à la stupéfaction, je dirais même l' indignation d' une vieille dame, cliente elle aussi, quand elle m' a entendue prononcer Dils. Je me demande bien ce qui lui passait par la tête à ce moment là… Ce peut- il que des gens ignorent encore qu' il a été innocenté?

A la lecture de cette ouvrage j' ai eu l' impression de l' entendre parler. Au niveau du contenu il n' y a pas de grandes nouveautés, par rapport à ce qu' il nous a raconté, mais au travers de ses mots j' avais vraiment l' impression de revenir quelques temps en arrière et d' entendre sa voix posée. C' est bizarre comme sensation. Je pense que le livre transmet un reflet fidèle de sa personnalité : une personne très simple, honnête, sérieuse, sereine malgré les horreurs subies…

 

Il est de notoriété que beaucoup de condamnés clament leur innocence derrière les barreaux. Quel crédit peut- on leur accorder réellement, lorsque justice passe, et qu‘ ils sont reconnus par elle comme coupables?

Florence Cassez n' est-elle pas un exemple actuel, cette béthunoise condamnée au Mexique et qui de l‘ autre côté de l‘ Atlantique tente de mobiliser les médias, les hommes politiques et l‘ opinion publique en sa faveur?

Pour la sérénité de la justice, la sécurité juridique, il est difficile d' admettre un procès en révision lorsque une décision de justice est devenue irrévocable, passée en force de chose jugée. Encore plus lorsqu' elle implique un jury populaire qui représente la société, pourtant c' est bien la que les enjeux sont les plus grands!

Il est compréhensible que la révision nécessite certaines exigences particulières qui restreignent la possibilité d‘ un tel recours, c' est certainement une nécessité pour obtenir une justice apaisée.

C' est difficile à admettre pour le profane, ou encore plus pour la personne directement concernée. En effet lorsqu' on est innocent on n' en a que faire de ces formalités, on ne veut que recouvrer sa liberté le plus rapidement possible, c‘ est tout à fait légitime. le légitime et le formalisme légal s' entrecroisent et c' est la que l' on se rend compte à quel point la justice est une affaire d' hommes, elle n‘ est faite que par eux et pour eux…

 

Avril 1987, j' avais à peine un mois…

Patrick Dils lui avait 16 ans, et la police venait de lui extorquer des aveux pour les crimes ignobles commis sur deux petits voisins, retrouvés les têtes fracassées à coups de pierres en septembre 1986 à proximité de chez ses parents… L' enquête menée par les services de police s' était concentrée sur lui au fil des mois. C' était un coupable idéal.

Enfant lui-même à l‘ époque, fragile, manipulable à souhait, d' une timidité maladive, il croyait naïvement qu' en reconnaissant ces meurtres il pourrait rentrer chez lui, retrouver les siens, retrouver le cocon familial. C' est d' ailleurs de qui a donné son titre au livre…

Il ne connaissait rien au monde des adultes, à leurs mesquineries, leurs ruses, ni aux rouages d' une machine judiciaire qui s' était désormais mise en marche à ses dépens…

Il sera condamné à deux reprises par une cour d' assises des mineurs, puis sera réhabilité en 2002 par une cour d' assises.



Le système l' aura broyé considérablement, néanmoins il a su relever la tête admirablement, et aujourd' hui il s' est reconstruit aux côtés de sa famille et de sa compagne.

Le propos n' est pas de raconter les faits dans le détail, vous retrouverez facilement ces informations sur internet si vous le souhaitez.

Pour lui , il est difficile de trouver les mots adéquats pour résumer ces 15 ans passés à l' ombre, mais il nous donne à voir un aperçu saisissant de ce qu' il a vécu depuis les débuts de cette affaire. Sa critique la plus virulente va à l' encontre de l' inspecteur Varlet et ses collègues qui n' ont pas hésité à lui suggérer ce qu' il avait pu faire, à suggérer leur « vérité » … Il l' a répété plusieurs fois lors de la conférence la tactique des policiers était surtout de dire sournoisement « supposons que, mais ce ne sont que de simples suppositions » etc.

Tout a été mené de sorte à établir sa culpabilité, même lors de l' instruction, censée être faite à charge et à décharge … Plusieurs faits n' ont pas été pris en compte, plusieurs témoignages, qui auraient certainement pu éviter ce drame supplémentaire que constitue l' erreur judiciaire.



En outre, il nous décrit ce qu' il a subi pendant toutes ces années d' incarcération. Les violences en milieu carcéral ont été son lot quotidien, sa place dans la hiérarchie carcérale y a beaucoup contribué dans la mesure où un meurtrier d' enfants se trouve au plus bas de l' échelle selon les autres détenus qui n' hésitent pas à faire justice par eux-mêmes; il dénonce aussi les viols subis par des codétenus, c‘ est inimaginable… Néanmoins, le désespoir grandissant, la difficulté à s' affirmer durant toutes ces années n' auront pas eu raison de lui. Avec le soutien indéfectible de sa famille il a su conserver sa dignité.

Je me demande comment j' aurais agi moi- même si on m' avait mis une telle pression. C' est peut- être difficile de comprendre, et facile de critiquer le fait qu' un innocent passe aux aveux, mais pas tant que cela lorsque l'on décortique sa personnalité. Je pense le comprendre assez sur ce point là, je partage quelques points communs, introvertie, timide, idéaliste sur la nature humaine et philatéliste en prime!

Ce n' est que sur la base de ces aveux qu' il aura été condamné, il n' a jamais existé de preuve matérielle qu' il était le coupable. Mais l' aveu reste et restera la reine des preuves… C' est inquiétant de se dire que tout peut se jouer à peu de chose près…

Grâce à la détermination des siens, la piste Heaulme a pu être mise à jour et exploitée. Qu' en serait- il si personne n' avait fait ce rapprochement?

Dans sa fragilité il a forcément une très grande force intérieure.

Finalement tout peut se résumer à cette phrase si simple et pourtant si vraie : «  Je ne suis pas extraverti, mais il faut que je sois sacrément équilibré pour tenir le coup ».

 

En conclusion, il est regrettable que l' ENM ne juge pas nécessaire d' entendre son témoignage au motif qu' ils connaissent déjà suffisamment l' affaire… Quand on pense que ces élèves qui sont formés à l' ENM seront les magistrats de demain et qu' ils sont susceptibles de connaître des cas similaires… Politiquement c' est préférable d' éviter ces questions sensibles, car elles offrent sans doute une image peu reluisante de la justice…



Dommage également que les acteurs directement à la source de cette erreur judiciaire ne reconnaissent pas leurs erreurs. Un peu d' humilité n' aurait fait de mal à personne, mais tout le monde n' est pas de cet avis… Ils ne servent pas forcément leur fonction, tellement dénigrée par la société en général mais tellement noble et utile…



La plus belle leçon qu' il donne à ces gens suffisants c' est qu' il ne garde pas de rancoeur ou de haine contre ses propres bourreaux...

 

 
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