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Citations sur Mon dernier corps (19)

JE DÉCHIRE LA DOUZIÈME
extrait 3
  
  
  
  
J'écris je déchire
j'écris je déchire
pas de cireur qui fasse reluire
toutes les idées passées par la tête et le papier.
J'écris je déchire
je suis lourde,
j'ai fini je crois de déjeuner
exorbitée
comme une curiosité qui s'écrie
qui suis-je qui suis-je
et toute réponse est muette et s'en fiche.
Je déchire en mille et douze morceaux
ce que j'ai pensé,
je déchire des douzièmes heures,
je déchire des montres
en petits morceaux
et les étrangle par-dessus le marché
de ma main exotique
de peur que mes écrits déchirés
ne se recollent tout seuls en secret
ne se lisent et découvrent
qu'ils étaient bons à jeter.


/ traduit du grec par Michel Volkovitch
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CHRONIQUE AVEC ET SANS FRUIT
extrait 1
  
  
  
  
À Sparte, les oranges commençaient à peine
à quitter l'immaturité
Pour trouver la douceur.
Leur décision d'évolution
était accompagnée vers le bas
par la couleur d'origine,
comme effrayée par cette hâte mise à mûrir,
qui à tout bout de champ s'arrêtait
vert sombre méfiant.
Le va-et-vient du jus
dans le fruit hésitant
demandait dans l'écorce équivoque
un achèvement redouté.

Et pas seulement dans les oranges.
En moi-même un mouvement approchant. Quelque chose
qui se libérait dans la terreur.
Une angoisse mûrissait, pourrissait en fatigue.
Pour que je trouve la douceur.
Le va-et-vient de l'amertume
dans la blessure hésitante
dans le destin équivoque
demandait un là ça suffit.



/ traduit du grec par Michel Volkovitch
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UNE VOIX DANS DES RUES VIDES
extrait 4
  
  
  
  
Non, ma voix ce n'est pas
la liberté ou la mort.
C'est une prison pour voix
et leur euthanasie,
cible patiente
des caprices du prochain, ce fou nucléaire.
Ma voix est un escabeau
pour paroles fatiguées,
pour conclusions qui reviennent vaincues.
Ma voix est la marche sans bruit
d'une écriture solitaire
dans des rues vides sous la pluie.

Pour vous je ferai un meilleur prix
disait Rien à Quelque chose
et cet idiot l'a cru.


/ traduit du grec par Michel Volkovitch
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Oblivion beach



Extrait 4

Le rivage ourlet de travers,
cigales de pierre des galets
dans les broussailles des vagues,
tam-tam du clapotis
castagnettes aquatiques.
Cimetière galet carré
allongé dans la mer,
tam-tam d'inexistence,
oblivion beach,
cimetière allongé dans la mer,
profondeurs demi-sœurs,
ourlet de travers des limites,
rien à faire pour l'égaliser.
Croix plongeuses
et les morts se sont couchés
dans leurs maillots une-pièce en marbre,
et le soleil se souvient d'eux
à peu près.
Et le sable, débauché au cœur dur
n'en fait qu'à sa tête :
je sais, c'est lui qui t'a appris
à glisser comme lui
entre mes doigts,
dune de l’amour. Ai-je bien fermé ?
Tu ne voudrais pas que j'aie laissé ouverte
la petite porte de ta photo
et que se soit sauvé, envolé
le passage de ton visage ?

La lumière klaxonne comme une folle
elle veut doubler.

Excellents, mes réflexes :
chaque fois qu'au fond un bateau disparaît
ma mémoire sécrète les choses profondément disparues.

Ah ! la veuve instant, si souvent.

/Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Oblivion beach



Extrait 3

Une heure caïque
tirant ses filets remonte
une visibilité vivante frétillante :
le bleu saute sur les vagues
en col blanc,
sur la petite église du village le sel ruisselle,
coupoles écaillées de tuiles,
tirelires pleines de Dieu.
La cloche, haut-de-forme des sons.
Solide, le ding-dong.


/Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Oblivion beach



Extrait 2

Lentement rame le bruit de la mer,
et la mer lentement s'étend
dans sa laborieuse étendue,
son étendue bernée :
dépecée par la nuit,
il n'en reste pas plus que n'en veut l'ouïe
pas plus qu'une épaulette d'argent
quand apparaît la lune.
Montagnes renversées dans l'ombre encore
casques éparpillés qui surnagent.
Les cimes, vieilles lointainetés bossues,
vague déploiement d'électrocardiogramme,
arythmies de l'altitude et de la pierre.
Mer, montagne, ciel
masse épaisse imbécile.
L'horizon qui voudrait exister
ne saurait pas où poser le pied.


/Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Oblivion beach



Extrait 1

Ce qu'elle en bave, dis donc, l'âme
Quand au lieu de dormir elle songe
à des orthographes mafieuses :
l'Homme, par exemple,
pourquoi veut-il à tout prix
s'écrire avec deux m
comme deux poings serrés, pour quoi faire ?

Regarde-moi ça, mon vieux, quelle hypocrisie,
à faire dresser les cheveux sur la tête :
tout ce que j'ai subi la nuit,
tout ce qui m'a torturée,
toutes les ténèbres menaçant
de m'emmener encore,
ces terreurs qui me bandaient les yeux
pour m'empêcher de voir où nous allions,
cet Homme aux deux poings serrés,
tout cela maintenant se déguise
en fillette aurore
avec son petit seau
et sa boîte de peintures.


/Traduit du grec par Michel Volkovitch
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SYNDROME

En regardant le tableau de Picasso «Le rêve»


J'ai accroché ce tableau comme appât
pour ma compacte platitude
souhaitant que morde un étirement démolisseur,
j'y vois une mine
qui puisse faire sauter tout entière
ma compacte platitude.

Assise la fille dort.
Assis
on s'abrite mieux dans son corps,
on est plus prêt à devenir plus soi-même :
à rêver.
L'anatomie du transcendant
a permis au corps
des arbitraires de chair.
La fille dort
tandis que derrière sa robe défaite
se lève l'un des seins
pour nourrir la soustraction vorace.

La résistance du cou brisée,
la tête libérée se pose
telle une oreille souriante sur l'épaule
qui se moquant de la symétrie,
se relève bien plus haut que l'autre,
accumulant l'audace.
La fille écoute son existence :
déplacements clandestins furtifs,
une translation de l'Être
un peu plus par ici, plus par là,
les postures se réapprovisionnent en postures.

Le nez, ligne droite verte
dépassant sa fin avec indifférence,
se jette entre les yeux et le front,
se perd dans les cheveux
vaisseau sanguin de l'intime.
Une moitié de bouche à sa place
l'autre moitié plus haut,
sourire d'asymétrie ;
comme un tabouret boiteux,
où poseront le pied pour descendre
de leurs voitures en mousseline,
passagers de mousseline,
les rêves de la fille.

Les bras du fauteuil
prennent subconscience : ils ploient, épousent
mollement la taille de la fille,
car même les fauteuils le savent,
tout rêveur est secoué
on a même vu des rêves
qui vous flanquent par terre.

Moi mon nez
se termine pile au bout.
Le sang n'atteint pas l'intime.
Et mes épaules
toutes les deux symétriquement tombantes.

Cela fait longtemps que je n'ai pas parlé de rêves
privée de temps
privée de rêves,
privation symétrique.
Mes épaules
toutes les deux symétriquement tombantes.
Endurer pareille privation
je me dis que c'est peut-être un rêve.
Peut-être un rêve
ces rêves dont je suis privée.
Un rêve peut-être même
si par lui je suis dénudée de mes rêves.

Peut-être un rêve,
une graine dans mon sommeil qui se balade
et question matrice, Dieu y pourvoira.
Je le bois lui qui n'est pas potable,
pour au moins rêver du mot
je ne demande pas la moindre Preuve
de ce que voilà un rêve que je suis privée de rêves.
Avant de parler toute Preuve
exige d'être payée en rêves.
Et des rêves pour payer
une Preuve de plus
j'en suis privée.

Ma mère Pression est morte jeune
et l'argile que je suis, l'argile que je suis
me pousse à me briser.
Ça va durer longtemps, dit-elle, ce sacrifice
de la mort pour que toi tu vives ?
Et me voilà privée de rêves à modeler
dans une argile qui protège ma matière.

Et puis rêve qu'est-ce que ça veut dire ?
De quoi donc suis-je privée ?
C'est sans doute ce que l'argile
doit contenir
pour ne pas se briser,
c'est sans doute les passagers de mousseline,
dans leurs voitures en mousseline.

Rêve ça veut dire
aile de sommeil en cire
qui s'éprend du soleil et fond,
feuilles en équilibre admirable
qui paraissent posées sur les branches
alors qu'on voit bien
qu'il n'y a pas d'arbre,
c'est entendre chanter des oui par milliers
dans la gorge du non.

Rêve ça veut dire
qu'il n'y a ni frontières
ni gardes sévères et soupçonneux.
Qu'on entre aisément dans quelqu'un
sans halte-là ni qui vive.

Nul après-midi n'est venu
qui ne soit devenu soirée.
Mais rêve ça veut dire
que vient un après-midi
qui ne deviendra pas soirée,
que vient un rêve
qui ne deviendra pas quelqu'un,
que vient quelqu'un
qui ne deviendra pas rêve,
halte-là, qui vive.

Je me suis trop étalée dans ces définitions
et pleurer sans boussole est dangereux.

Garde au moins pour moi, mon Dieu,
tout ce qui est mort.
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C'est à toi, Soudain, que je m'adresse.

À toi, Soudain nourri de rêve,
beau gosse, d'une bravoure folle,
enfant bâtard de causes inconnues,
qui préserves
du Rare la rareté,
montrant une granitique indifférence
pour la passion lascive, douloureuse,
que nourrit pour toi la Fréquence.
Étincelle du frottement têtu
d'une attente contre un renoncement,
que tu abreuves de carafes et de soifs
sans recours aux sources, aux fontaines.
Temps venu de Dieu,
petit corps
qui accumules ta force monstrueuse
en accumulant des lenteurs,
Messie en un seul mot,
séisme qui abats
nos Invariables antisismiques,
c'est à toi, Soudain, Intercession porteuse du monde,
que déchirée je m'adresse
pour que tu viennes délivrer
mon dernier corps ici-haut
délivrer
sa palpitation asservie
des mains du plus cruel
du plus sanguinaire
du plus paranoïaque des maîtres que j'ai eus
nommé debout-assis
debout-assis
debout-assis...
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CHRONIQUE AVEC ET SANS FRUIT
extrait 2
  
  
  
  
À Mystra,
halètement de l'histoire,
apothéose de la pierre.
Ruines
et ruines du retour au passé.
Les marches jusqu'en haut
et l'absence de marches jusqu'en haut.
Trônes renversés
temps marmoréens,
arches coupoles,
rôles détrônés.

Pour trouver la douceur.
Pour que je sorte de ces ruines
de ce qui ruine tout
de ces régions ruinées
avec une chanson.
Mais les chansons
ne sont que lunettes brisées partout sous nos pas
biographies des eaux qu'on a bues
ou pas bues,
hara-kiri qu'on s'inflige
avec des noms et des aiguilles de montre.

Rôles détrônés.
Dans l'église Peribleptos
un Te Deum pour Autrefois.
Ombres empereurs.
J'ai feint de ne pas voir les Paléologues
et n'ai pas souffert de ce que ton trône
voie d'un bon œil une araignée.
Et j'ai allumé un cierge aux Prologues
de toute Chute.


/ traduit du grec par Michel Volkovitch
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