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Critique de Chocolatiine


Chapeau bas à Fatou Diome pour ce magnifique roman !
Sur l'île de Guior, au Sénégal, nous allons suivre une tranche de la vie d'Arame et Bougna bientôt rejointes par Coumba et Daba. Les deux premières sont les mères de Lamine et Issa, deux jeunes hommes auxquels la vie promet la même existence de dur labeur et de pauvreté qu'aux générations qui les ont précédés. Attirés par le rêve européen, ils embarquent un beau jour pour l'Espagne, où ils entrent clandestinement. Outre les mères, ils laissent derrière eux des épouses. Celles qui attendent cependant ne le font pas les bras croisés, c'est à elles que revient la dure charge de nourrir la famille tant bien que mal.

Femmes délaissées, femmes exploitées, les rêves des jeunes filles cèdent bien vite la place à la cruelle réalité. Elles ont bien des devoirs et peu de droits. "Ah, si seulement j'avais fait des études !", regrette Arame lorsqu'elle se voit contrainte de demander l'aide de l'instituteur pour écrire une lettre à son fils. Si seulement elles avaient pu étudier, elles auraient pu aspirer à autre chose qu'à cette existence sous le joug des traditions et du jugement sans pitié de la famille, des voisins, du village. Ce roman est effectivement empreint de féminisme, pas le prétendu féminisme stupide qui prétend que les femmes valent mieux que les hommes, mais d'un féminisme subtil et efficace.
Quant à la problématique de l'émigration des jeunes Africains (et donc à l'immigration clandestine dont l'Europe fait l'objet), il faut attendre les deux tiers du livre pour que l'autrice nous dévoile son point de vue. Personnellement, j'ai lu avec une pointe d'ironie les espoirs d'Issa, de Lamine et de leurs mères au début du roman quand on les entend converser de la belle vie qu'ils pensent faire en Europe : "Que croyez-vous donc?", pensai-je. Aucun d'eux ne sait ce qui les attend vraiment là-bas et que Lamine exprime dans les dernières pages : "La faim, le froid, le racisme, la solitude, les petits boulots, l'esclavage économique !" Existence de misère au pays, existence de misère en Europe, la présence de la famille en moins.
Concernant le style, je suis conquise. Fatou Diome mérite amplement les louanges qui lui sont faites. J'ai adoré sa manière d'écrire, son vocabulaire riche qui fait souvent défaut aux auteurs actuels. Merci madame pour ce beau moment de lecture !

Challenge ABC 2023/2024
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