avant la rencontre la travailleuse sociale nous a prévenus ce n’est pas la fille qui est suivie par le Centre Jeunesse mais le Père à cause de ses habiletés parentales déficientes elle ne donne pas les détails mais je saisis le plus important l’enfant n’a pas de parent ou plutôt c’est le parent qui est l’enfant
alors les jours qui viennent je les conjugue au présent
pour moi il y a toujours trop de mots trop de pages dans un roman tandis que le poème
le poème est une œuvre ouverte une œuvre sans fin qui a besoin de peu de mots et de beaucoup de silence pour faire place à toutes les histoires qu’on voudra
le lieu où on se trouve quand on aborde la lecture d’une œuvre colore son appréciation oriente sa compréhension la lecture est une expérience personnelle qui engage autant le corps que l’esprit
me taire c’est mieux rester en contrôle éviter le débordement la vague qui se forme au large est démesurée
elle a la hauteur d’un immeuble de dix étages quand elle se jette sur mes côtes.
dans mes bagages quelques livres des essais de la poésie deux romans et mon carnet d’écriture
des pages de notes
et cet écran ouvert sur l’horizon d’une histoire à finir.
éclats de voix porte qui claque
trou noir
et je pleure tout ce qui n’a jamais été pleuré
je voudrais que le savoir-faire que j’ai acquis au prix d’expériences douloureuses et marquantes serve à mes jeunes collègues qui cachent mal leur désillusion et leur découragement à la fin de certaines journées électriques
mais jusqu’à quel point est-on disposé à entendre des conseils quand on ne doute pas
à leur âge j’étais tellement persuadée d’avoir raison et de connaître LA recette que je jugeais sévèrement les vieux-de-la-vieille forcément dépassés
maintenant que j’en suis je me tais.
ils ressentent la faille dans ma croûte terrestre.