Seule la fiction, le roman d'une vie, peut donner un véritable aperçu de sa réalité profonde, de sa complexité, éclairant ses opacités, en grande partie indiscernables par la personne même qui l'a vécue.
Les morts ne paient pas de mine, ne paient pas de leur personne et ne paient pas d’impôts. Ils ne sont donc d’aucun intérêt pour les rois.
Je compris alors que la peinture et la musique ont le pouvoir de nous révéler à nous-même notre humanité secrète. Grâce à l’art, nous arrivons parfois à entrouvrir une porte dérobée donnant sur la partie la plus obscure de notre être, aussi noire que le fond d’un cachot. Et une fois cette porte grande ouverte, les recoins de notre âme sont si bien éclairés par la lumière qu’elle laisse passer, qu’aucun mensonge sur nous-même ne trouve plus la moindre parcelle d’ombre où se réfugier, comme lorsque brille un soleil d’Afrique à son zénith.
Maram et moi étions également sensibles aux mystères de la nature. Elle, pour se les concilier, moi, pour les percer.
– … Revenir chez nous, au Sénégal, de l’esclavage des Blancs d’Amérique ? C’est aussi impossible que repousse à un circoncis son prépuce !
Seuls les neveux du roi du côté maternel peuvent devenir rois au Sénégal. C’est ce que m’expliqua Ndiak, lors de notre première rencontre, à sa façon toute particulière :
– Quand un enfant naît d’une reine, on ne peut avoir qu’une seule certitude : c’est qu’au moins une moitié de sang royal coule dans ses veines.
J'ai peut-être rêvé qu'elle me parlait une langue unique, adressée seulement à moi, qui n'aurait pas été celle de la simple communication de son histoire à n'importe qui.
À l'origine nous étions blancs, ajouta Ndiak. C'est à cause de ce soleil à la verticale du monde que nous sommes devenus noirs. Un jour d'extrême canicule, l'ombre chassée par le soleil s'est précipitée sur nos peaux, c'était son seul refuge.
Au début, je retournais à la case où Ma-Anta restait couchée lui rapporter très exactement les demandes des villageois. Elle m’a appris à écouter. Elle m’a souvent répété que les premiers remèdes sont à trouver dans les paroles mêmes de ceux qui exposent les symptômes de leur maladie. Les extraits de plantes qu’elle me désignait du doigt n’auraient eu aucun pouvoir de guérison s’ils n’avaient été assortis de paroles qui soignent car l’homme est le premier remède de l’homme.