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Critique de Grishko


A travers ce roman court de fiction, l'auteur nous plonge dans trois étapes de l'existence de Joseph Kamal, le personnage central du récit, toujours plus contraint au fil des pages du fait des circonstances qui vont s'imposer à sa personne.

Dans la suite logique d'un braquage de bijouterie qui a mal tourné, dans le cadre duquel son frère Tonio s'est fait descendre par des flics – poignée d'une profession à l'encontre de laquelle il con-centre l'entièreté de sa haine, « Jo » se voit condamné pour complicité puis incarcéré au sein d'une prison qui va peu à peu dévoiler la face perverse de l'institution. Mensonge, arbitraire, manipulation, humiliation, violence, avilissement, autant de termes qui, tour à tour, qualifient sa situation et vont le pousser jusque dans les retranchements de l'isolement, de la volonté de solitude et de la misanthropie.

« Ici les gardiens sont capables de vous laisser crever, les amis de vous trahir. »

« J'ai tellement envie d'être seul maintenant. Entièrement seul. le besoin de solitude me torture presque physiquement. Ah, qu'on me donne de l'air, de l'espace. Combien je donnerais pour ne plus voir personne, pour ne plus les entendre, ces hommes, ces détenus, ces corps près du mien, ne plus les voir bouger, combiner, dominer, causer, ne plus les entendre mastiquer, se gratter, ronfler, pisser, et répandre autour de moi toute cette saloperie d'humanité. »

Et puis la catastrophe nucléaire, l'explosion arrive. « La moitié de l'Europe irradiée. La moitié de la France évacuée. » Trois semaines après l'événement, une rencontre avec un autre survivant lui apprend que plusieurs camps de réfugiés se sont formés au nord de la ligne Nantes-Besançon, là où les radiations ne sont pas passées. Ce type, qui se fait insistant pour s'occuper de son sort et qu'il va finir par tuer, lui apprend également qu'ils font partie d'une poignée d'immunisés : « La centrale qui a sauté était d'une génération nouvelle et quelques irradiés semblent immunisés, c'est peut-être une question d'ADN. Il doit y avoir un gène qui les protège. »
Va alors débuter sa quête à la survie, avec cette nécessité de se débrouiller par soi-même, de ne compter désormais que sur sa personne ; la remise en cause de ses propres fondements et l'apprentissage de nouvelles techniques vitales pour son évolution au sein d'un monde sans Homme. « Jo » s'installe dans une fermette désertée qu'il va réaménager à son goût, avec les moyens du bord et, par le biais de manuels dénichés dans des bâtisses à l'abandon, il va développer des connaissances utiles concernant le cycle des saisons, le travail de la terre et la gestion des périodes de semis et de plantations. Il va apprendre à jardiner, à rationner, à gérer des stocks, à prendre de la distance avec l'immédiateté, à comptabiliser. Puis sa vie de Robinson va connaître le plaisir de la compagnie et du partage avec l'apprivoisement d'un bélier et d'une chatte rousse respectivement surnommés Chocolat et Fine. Une vie sans Homme.
Est-ce à dire sans humanité ?
C'est le défi auquel confronte Sophie Divry dans la dernière partie de son oeuvre. Est-il possible de vivre de façon équilibrée hors la présence de ses congénères, toute relation sociale relevant ainsi de l'impossibilité ?
Si la clôture du récit offre une réponse « en mode avion », cette lecture fait s'interroger, au-delà du point final, sur la notion de condition humaine, le rapport de l'individu à la société autant qu'à la solitude et la radicalité de la Nature.
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