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Critique de Fleitour


L' Anorexie pourrait-elle devenir une mode, une école littéraire, une chapelle, le procédé devenant une sorte d'élitisme qui s'adresse à un public conquis qui se reconnais dans un hermétisme où l'ellipse est la clé de voûte de l'érudition, quand on a plus besoin de tout dire on ne laisse alors que des points de suspension.


Philippe Djian cultive l'art de l'ellipse à la perfection, un art où les mots portent une singularité habilement cachée que seul l'auteur ou le cruciverbiste est à même de dénouer. Chef de file ou simple modèle qui se méfie des filons et des filous.


Le style de Philippe Djian est épuré, dégraissé de toute saveur animale ou végétale, rendu à sa squelettique nature, il décline un monde aplani comme une photo aérienne prise à midi quand les couleurs s'effacent dans un miroitement de gris délavés. Page 65 à l'aube il écrit, "il faisait déjà beau, la rosé du matin avait disparu."


L'histoire coule goutte à goutte, il faut juste régler le débit. Avec des temps de pause comme pour un arrosage régulier à heures fixes du récit, "elles faisaient une pose sur le trottoir."
Philippe Djian affirme que dès la première phrase le roman est déjà écrit. Il ne reste plus qu'à tirer sur la ficelle, pour démonter le temps.

Relisons alors la première phrase de « à L'Aube », Joan se lavait les mains quand elle vit passer une ombre derrière la fenêtre. Ça ne dura qu'une fraction de seconde mais elle eut un mouvement de recul.
Il n'y a que Dieu ou un magicien pour nous convaincre que tout est là en apesanteur.


Philippe Djian est un magicien.
Mais le magicien, s'amuse t-il encore car je m'ennuie en le lisant, je me suis surpris à me lasser de cet artisanat, de ces 4400 signes qu'il se fait un devoir d'imprimer jour après jour, car Djian ne corrige pas c'est du durable du définitif, pas du jetable


Et pourquoi pas bourdonner avec Brassens, «  la femme s'emmerde... ».. Philippe Djian prend t-il encore son pied? A mâcher ses mots patiemment comme un communiant. Il porte sur chaque phrase l'angoisse du chef, et si ce plat littéraire était le dernier à servir, et ne pouvait tolérer aucune faute de goût.


Notre tôlière Joan et sa complice Dora font de la discrétion le maître mot de leur branche d'activité ! Non pas à cause de secrets industriels, mais d'une parois lisse infranchissable, pour occulter un réseau de proxénétisme bien géré, sobre décoré en une boutique bourgeoise, adepte des tenues en satins et dentelles. Un mur qui se lézarde ?


C'est John l'adjoint du shérif qui m'a réveillé de mon ennui, après avoir compris comment par quelques improbables rencontres des femmes s'incrustaient dans la vie de Joan.
Le Djian reprenait des couleurs page 106! "Je veux avoir accès aux filles," beuglait l'adjoint suivi des invectives de Joan "pas question", pour finir "je ne dis pas non 2 à 3 fois par semaine", "ça me semble correct". Deux pages d'un dialogue savoureux ou Dora et Joan vont dire oui et non, pour finir par je ne veux pas d'ennui avec la police.


L'autre fantaisie me réconciliait avec Philippe Djian, Joan retrouvait dans son studio un client un peu ivre et très entreprenant, " l'homme avait une barbe drue qui lui piquait les cuisses comme des aiguilles", "elle se demanda s'il n'allait pas vomir sur elle ?"" Oh seigneur Jésus, ne me faites pas ça, il poussa un cri au moment où elle s'arrachait à lui et elle vomit sur la descente de lit" arrosant ses bijoux de famille.


Les passages un peu débridés sont trop peu nombreux, à mon goût. Au contraire d'un Sylvain Tesson, exubérant , « le Soleil de Méditerranée frappe en marteau, dissout tout espoir. Son rayonnement est une force qui rendrait nihiliste un prophète. » Ainsi chez d'autres auteurs nous trouvons ces incursions qui invitent au rêve et bonheur suprême nous offre une émotion intense.

Sans émotions les textes les plus forts, les plus sombres, perdent de leur intensité, et parfois même suscitent l'ennui.
C'est bien évidemment cette réflexion que je voulais livrer à la lecture du dernier roman, de Philippe Djian, une histoire sombre, un texte épuré tel un scénario sur lequel un homme de cinéma développera ses propres émotions.

De l'émotion avant toute chose !
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