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Critique de HundredDreams


Noël est une fête que j'aime pour sa magie et son esprit. C'est un moment que j'attends avec impatience, j'aime offrir mais c'est aussi un moment où je retombe en enfance, attendant avec impatience d'ouvrir mes cadeaux. Parmi ceux que j'aime recevoir, les livres ont une place de choix.
J'en sélectionne toujours quelques-uns, préparant ma liste comme lorsque j'étais petite. Autant vous dire que j'y consacre beaucoup de temps et que mes choix sont mûrement réfléchis.
Pourquoi est-ce que je vous parle de Noël au mois de Mars ? Tout simplement parce que ce roman est un de ceux que j'ai découvert au pied du sapin.

« La cité des nuages et des oiseaux » est le premier que je lis d'Anthony Doerr.
Pour ceux qui commencent à me connaître, je ne pouvais pas passer à côté de cette histoire : le titre, la couverture aux jolis tons bleutés, l'incipit prometteur me laissaient à penser que cette lecture me plairait.

« Il fait sombre dans la pièce, mais Aethon voit à la clarté de la lune les plumes qui poussent dans le dos de la femme, sur son cou et jusqu'au bout de ses doigts. Son nez durcit et s'incurve, ses pieds se recourbent pour former des serres jaunes, ses bras se changent en de magnifiques ailes brunes, et ses yeux… »

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« Mon enfant, chacun de ces livres est un portail, une ouverture qui te donne accès à un autre lieu, à une autre époque. Tu as toute la vie devant toi, et ils ne te feront jamais défaut. »

« La cité des nuages et des oiseaux » est un roman à l'imagination foisonnante, un conte original incroyable, un livre contemplatif où l'on s'évade de la vie quotidienne. Il nous ouvre les portes d'un monde enchanteur, celui de l'amour des livres, de la puissance de l'imagination, et des idéaux de paix et de liberté.

« … les livres meurent, de la même manière que les humains. Ils succombent aux incendies ou aux inondations, à la morsure des vers ou aux caprices des tyrans. Si personne ne se soucie de les conserver, ils disparaissent de ce monde. Et quand un livre disparaît, la mémoire connaît une seconde mort. »

Les premières lignes du récit pourraient commencer par « Il était une fois, un homme à la recherche d'une cité merveilleuse aux tours de bronze et d'argent, bâtie entre ciel et terre, une cité-refuge pour les oiseaux. »

Et s'il demande un peu de temps, les 700 pages sont un vrai bonheur pour les amateurs de fantastique, de rêve et de poésie.

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Ce roman parle d'un texte ancien intitulé « La cité des nuages et des oiseaux ». Trouvé dans une tombe de la cité antique que Tyr, ce manuscrit mystérieux, écrit vers le premier siècle de notre ère par Antonius Diogenes, a été détérioré par le temps..
Néanmoins, il est le fil conducteur de cette histoire.

Il raconte l'histoire d'un berger, Aethon, résolu à devenir un oiseau pour s'envoler, loin du monde terrestre, vers un monde paisible, magique et enchanteur caché au milieu des nuages.
Cette histoire est donc celle d'une quête d'un monde meilleur, un pays idyllique, en apesanteur, où les oiseaux volent, libres, insouciants, dans un ciel baigné de nuages. Elle parle de magicien, de sorcière, de chouettes gardiennes des portes de la cité, d'une clé et de bien d'autres choses.

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Anthony Doerr a construit un univers riche et dense qui s'articule autour de cinq personnages principaux, Anna, Konstance, Zeno, Seymour, Omeir, cinq fils narratifs tous reliés à ce texte ancien auquel il manque des passages entiers. La construction du scénario sous la forme d'une tresse, entremêle, entrecroise, enroule ces histoires autour de cet axe commun, sans jamais perdre un seul instant le lecteur.
Chaque récit est comme une parenthèse à part qui nous happe et nous transporte dans une époque et un univers très différents. Ainsi, on plonge dans le passé, en 1453, au moment de la prise de Constantinople par les Ottomans ; dans l'Idaho d'aujourd'hui où le dérèglement climatique et la dégradation de notre environnement menacent la biodiversité et l'avenir des hommes ; et dans un futur proche à bord de l'Argos, un vaisseau interstellaire dans lequel Konstance et sa famille voyagent à la recherche d'une planète d'asile.

Les personnages, avec leur personnalité bien définie et leur histoire, sont attachants. Si Aethon est le personnage central qui les relie tous, aucun ne prend le pas sur les autres. Chacun participe à renforcer l'ossature du récit.

Ce roman choral est comme un puzzle dont les pièces éparpillées attendent de retrouver leur place afin de révéler un tableau complet qui va se déployer à travers plusieurs siècles d'histoire. Chaque personnage nous embarque dans une aventure dont les décors mouvants nous laisse imaginer la Thessalie durant l'Antiquité, le siège de Constantinople, la guerre de Corée, la ville de Lakeport à notre époque, et la vie à l'intérieur de l'Argos.

« … il se peut bien qu'une obscure magie vive entre les pages des vieux livres. Tant qu'il lui restera des phrases à lire à sa soeur, tant qu'Aethon s'obstinera dans son périple insensé, poursuivant à tire-d'aile son rêve dans les nuages, les remparts de la ville résisteront peut-être ; il est possible que la mort demeure un jour de plus à la porte. »

A première vue, le scénario pourrait sembler décousu et complexe, mais il n'en est rien. Les récits fragmentés s'imbriquent parfaitement dans une histoire plus vaste. Anthony Doerr est comme un chef d'orchestre : il donne le ton, laisse entrer sur scène les acteurs au moment idéal, dissémine de belles émotions et rend chacune des histoires prenantes.

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Anthony Doerr est un fabuleux conteur. Avec un talent immense et singulier, il bâtit un monde enchanteur, dessinant l'intime, la vie et la mort, enchevêtrant les évènements passés, présents et futurs, nous laissant entendre le silence réconfortant des livres et la violence des guerres.

Avec comme point d'ancrage cet amour irrépressible pour les livres et les histoires, je me suis laissée emporter dans cette aventure qui traverse le temps et les conflits humains, entre récit mythologique et conte merveilleux, quête initiatique et science-fiction, roman historique et récit d'aventure.
L'écriture, onirique, poétique, colorée, contribue à créer une atmosphère enveloppante et douce, envoûtante et feutrée dans laquelle je me suis sentie merveilleusement bien.

« Tourner la page, se frayer un chemin sur les lignes : le barde se lance et fait apparaître dans votre tête un univers débordant de bruits et de couleurs. »

Ce roman m'a rappelé le roman étonnant et inclassable d'Erin Morgenstern, "La mer sans étoiles". Très vite, on se retrouve embarqué dans un voyage à travers les siècles qui fait la part belle à la littérature, aux bibliothèques et aux livres.

" Je sais pourquoi les bibliothécaires t'ont lu ces vieilles histoires : si elles sont bien racontées, celui qui les écoute reste en vie aussi longtemps que dure le récit."

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Pour conclure, ce roman est un livre-univers qui fait appel au pouvoir de l'imagination et du rêve, qui nous fait voyager à travers le temps et l'espace pour nous emmener très loin, dans des lieux incroyables et merveilleux, mais aussi dans des contrées où les hommes sèment la peur et la mort.
Métaphoriquement puissant, émotionnellement fort, magnifiquement écrit, l'ambiance magique met à l'honneur le pouvoir de la littérature qui appelle aux rêves mais qui peut aussi envoyer des messages forts.

Un magnifique roman que je vous conseille.
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