Ses mots traversèrent mes pensées, incolores comme de l'eau, et chaque mot fait floc comme une goutte de pluie.
En ce temps-là elle n'avait pas de cheveux blancs ; ses cheveux étaient très noirs et tombaient, épais et rêches, jusqu'à sa taille. En suivant le mode d'emploi, je les ai roulés sur des pinces et des bandes de papier de soie mouillé et au-dessus des oreilles on aurait dit des hot dogs.
Je n'ai jamais grandi mais je suis devenue vieille.
Mes souvenirs ne sont pas prisonniers du papier blanc. Ils ont la profondeur du temps.
Je ressentais ce désespoir du matin qui suit une terrible cuite, quand rien ne semble possible, qu'on a envie de se laisser couler.
J'avais envie de tourbillonner, de m'envoler comme un ballon détaché, de foncer sur la route, j'aurais voulu rentrer les yeux fermés dans les troncs d'arbres, j'aurais voulu bruler vive.
Le chant a débuté par le roulement du grand tambour, les cinq hommes assis autour du cercle au milieu du terrain se penchaient en avant, une main à l'oreille, tout en battant le rythme sur le cuir tendu avec l'autre main qui tenait les baguettes. Leurs voies se sont élevées chantant en fausset, aiguës, perçantes.
Mon cerveau bourdonne d'histoires à moitié racontées, avec des morceaux qu'ont pas l'air d'aller ensemble, des choses que j'aurais du dire et que j'ai pas dites, et j'arrive pas à séparer le vrai de ce qu'aurait pu être vrai. C'est comme si je rêvais plein de vies et que je mélangeais les morceaux pour les rassembler chaque fois d'une façon différente. Mais tout ça flotte à la dérive.