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Critique de gerardmuller


Le joueur/ Fiodor Mikhailovitch Dostoievski /Livre de poche : version intégrale.
En 1862, Dostoievski visite pour la première fois l'Occident et notamment les plus célèbres salles de jeu : Baden-Baden, Ems, Wiesbaden …
Au cours d'un second voyage, il y perdra toute sa fortune à la roulette.
Lui viendra alors l'idée d'écrire un roman sur le jeu, l'enfer du jeu dès 1863.
Mais ce n'est que plus tard, après la mort de sa femme, puis de son frère, acculé par les créanciers qu'il se décidera à signer chez un éditeur pour une édition de ses oeuvres complètes agrémentée de ce roman inédit. La date butoir est fin 1866.
Pour aller plus vite, il engage une secrétaire qui copie sous dictée durant 25 jours l'intégralité du roman « le joueur ».
Ce roman va être une manière d'exorcisme : en la décrivant, il va tenter de neutraliser sa passion du jeu. le bouc émissaire sera son personnage Alexis Ivanovitch
Il demandera ensuite sa main à sa secrétaire, Anna Snitkine huit jours plus tard et l'épousera trois mois écoulés.
Deux mois après le mariage, couverts de dettes, Dostoievski fuit la Russie pour l'Allemagne où il va jouer jusqu'en 1871 avec l'argent de sa femme. C'est alors qu'il lui envoie une lettre dans laquelle il lui annonce qu'il a cessé de jouer.
L'exorcisme avait oeuvré.
Dans le roman, Alexis est obnubilé et fasciné par cette boule de roulette dont le mouvement est rigoureusement imprévisible, mais il ne peut se faire à cette idée, comme tous les joueurs, et va tenter d'élaborer des systèmes pour gagner. Mais c'est en jouant de façon irrésolue qu'il va le plus gagner…
S'engage alors une réflexion sur la probabilité de voir sortir le rouge ou le noir. Ce n'est pas parce que le rouge est sorti 16 fois de suite que le noir va sortir la 17é. Car à chaque fois, il y a une chance sur deux et pas davantage que ce soit telle ou telle couleur. Peut-on user de la statistique pour jouer, statistique qui veut que sur un très grand nombre de fois, le rouge et le noir s'équilibre ? Là est la question. C'est un dilemme irritant pour le joueur qu'est Alexis.
« Par une fantaisie bizarre, ayant remarqué que le rouge était sorti sept fois de suite, je m'y attachai. Je suis convaincu que l'amour-propre entrait là pour une bonne moitié ; je voulais étonner les spectateurs en prenant un risque insensé et (étrange sensation !), je me souviens nettement que je fus soudain, sans aucune incitation de l'amour-propre, possédé par la soif du risque. »
Amoureux de Pauline, la fille du général, il va dans un premier temps jouer pour elle car dans la bonne société, une jeune fille ne joue pas. Mais cela n'est pas si simple car en jouant pour Pauline il lui semble qu'il hypothèque ses chances s'il gagne, lorsqu'il jouera ensuite pour lui. Question de statistique !
En fait, dans ce bref mais dense récit, les huit premiers chapitres sont assez insipides, le joueur ne jouant pas beaucoup mais faisant plutôt une cour maladroite à la belle Pauline Alexandrovna qui ne s'en laisse pas conter et repousse ses avances.
Dès le début de la deuxième partie, l'arrivée impromptue d'Antonine Vassilievna, la charismatique et fortunée grand-mère, tante du général, va produire un électrochoc au sein du petit groupe désoeuvré. Alors qu'elle était supposée être à l'article de la mort, la voici qui débarque le sac empli de roubles et ne s'en laisse conter par personne. Il faudra attendre pour l'héritage ! le général est la principale cible de sa vindicte, et Alexis son protégé. Infirme, (elle se déplace en fauteuil roulant), âgée de 70 ans, excentrique au possible, elle a la passion du jeu. Mais elle ne sait pas jouer. Et elle a prévenu le général : elle ne lui prêtera pas un sou.
Alors vont avoir lieu des parties de roulette ébouriffantes où Antonine va conjuguer le meilleur et le pire, toujours dans l'excès et l'extravagance et n'en faisant qu'à sa tête dans un style de jeu tout à fait hors norme.
Des retournements de situation vont amener Alexis à jouer pour son compte de façon effrénée et ce pour les beaux yeux de la capricieuse Pauline. Tour à tour précepteur, secrétaire et laquais pour se renflouer, il joue et il joue, fiévreusement jusqu'à la frénésie. Il passe même par la case prison pour dettes de jeu mis de bons amis l'en sortiront. La tentation hystérique qui s'empare des joueurs à l'approche de la table ne l'épargne pas. Emporté hors du temps et de l'espace, il ne pense plus qu'à ce plaisir compulsif qui ne peut que le mener à la ruine.
À noter que Dostoievski dans ce récit ne fait jamais oeuvre de moralisateur.
D'autre part, tout en vantant le caractère russe qui vit de passion sans calcul, il fustige les pays européens et surtout la France et l'Allemagne qui pour lui ne sont que des calculateurs.
Un livre intéressant pour aborder l'immense oeuvre de Dostoievski.


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