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Critique de Laureneb


Pour moi, les confinements successifs auront eu au moins un point positif : me permettre de me lancer dans la lecture de Dostoïevski, l'Idiot l'an dernier, les Frères Karamazov cette année. Je ne vais pas faire une lecture savante de cette oeuvre, j'en suis bien incapable, comme dans l'Idiot j'ai eu du mal avec certains passages assez théoriques, philosophiques et éthiques, mais je vais essayer de livrer quelques éléments de mon ressenti.
Il y a plusieurs romans dans cette oeuvre. C'est d'abord une histoire de famille, avec plusieurs frères qui ont chacun leurs raisons pour ne pas aimer leur père, qui lui-même ne mériterait pas le nom de père selon la plaidoirie finale de l'avocat, ne les ayant pas élevés, et pas aimés. Ces frères sont trois, de deux mariages différents, et celui qui leur a tenu lieu de père n'est pas Karamazov, mais Grigori le domestique. Mais n'y aurait-il pas un quatrième fils, non reconnu mais présent dans la maison ? Aliocha se cherche un père adoptif, dans la figure du staretz Zosime, ce moine pour lequel il éprouve des sentiments filiaux, mais il se réfère aussi au Père, Dieu. Cependant, le père le plus émouvant est le capitaine, père d'Iloucha, l'enfant malade.
Le roman est aussi un roman philosophique, ou en tout cas de débats, sur la place de Dieu, le rôle de l'Eglise, l'athéisme, le socialisme, le nihilisme. Comme dans l'Idiot, je reconnais d'ailleurs que ces passages sont ceux que j'ai eu des difficultés à comprendre, le début du roman étant d'ailleurs assez ardu pour cela. Néanmoins, j'ai été fasciné par le chapitre "Le Grand Inquisiteur", au point d'en faire une critique à part. J'ai trouvé du dialogue théâtral dans cette entrevue entre le Grand Inquisiteur jésuite espagnol du XVIème siècle et cet homme, que la foule prend pour le Christ revenu sur terre, mais j'y ai lu aussi une dystopie glaçante avant même 1984, où la maîtrise de l'information et donc la définition de la vérité permet de contrôler le peuple.
C'est ensuite un roman d'amour, ou de désir. Amour d'Aliocha pour Dieu au début, rivalités entre les frères pour Katia, entre le frère et le père pour Grouchenka... D'ailleurs comme dans l'Idiot, les personnages féminins sont tous assez remarquables, même les secondaires. Et la confrontation entre la grande dame et la fille entretenue m'a rappelée celle entre Aglaé et Nastasia. Mais Lise la malade est elle aussi intéressante - j'ai pensé à la situation de la Pitié dangereuse de S. Zweig : Aliocha est-il vraiment amoureux ou se dévoue-t-il pour elle par pitié ? Sa mère aussi est un personnage complexe, bavarde fatigante, mais aussi manipulatrice désirée et désirante - une femme n'est plus vieille à quarante ans à la fin du XIXème siècle...
C'est ensuite un roman policier, presque un thriller : le crime est annoncé presque dès le début, mais Dostoïevski fait monter le suspense, qui culmine dans une scène d'angoisse, voire d'horreur. Ce n'est sans doute pas ce qui est le plus évoqué pour cette oeuvre.
Enfin, c'est un roman sur la fin de l'enfance et le début de l'adolescence. Que les jeunes sont cruels... Il y a de véritables récits de harcèlement, avant même que le concept ne soit théorisé, des hiérarchies dans la cours entre collégiens, des manipulations, des violences. Mais Kolia incarne aussi la pureté : extrêmement intelligent, il domine les autres, sait les manipuler, mais est aussi capable de sentiments sincères forts. Si Aliocha ressemble par certains côtés au Prince de l'Idiot, pour son optimisme et une forme de joie de vivre, Kolia fait penser aux jeunes gens de l'Idiot, les seuls à ne pas avoir une folie au coeur motivant leurs actions, et donc les personnages les plus positifs.
Moins éblouie que par l'Idiot donc, mais certains passages et certains personnages m'ont fascinée.
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