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Critique de Prailie


Mazette! la présentation de l'auteure, en tête de l'ouvrage, dans le genre répulsif c'est vraiment un chef d'oeuvre! J'invite tout le monde à la parcourir, tant ça dépasse l'entendement de tout lecteur français normalement constitué. Car l'auteure, ou son éditeur, ou son agent littéraire, nous énumère par le menu, avec une maniaquerie forcenée, chacun des clubs de littérature dont Margot Douaihy est ou a été membre; les bourses dont elle a été bénéficiaire; chacune des revues petites ou grandes auxquelles elle a collaboré…. On aimerait mieux savoir si elle est végane, si elle aime les chats, si elle pratique le yoga tantrique, l'accueil des réfugiés ou le patinage artistique…. Mais enfin, on supposera que si l'on était soi-même « born ni USA », et plongée qui plus est est jusqu'au cou dans les arcanes des revues américaines, cela nous dresserait d'elle un portrait très précis.
Admettons.
Cependant, pour achever de nous consterner, la demi-page se conclut sur cette phrase admirable de sobriété, de toute-puissance maîtrisée, de grandeur impériale contenue :
«elle travaille à une réforme du financement de l'écriture de polars, avec un accent particulier sur l'écriture contemporaine, les perspectives d'avenir, les problématiques inclusives et décoloniales ».

(Miam!)

Mais bon, autres systèmes d'édition, autres moeurs…. Et puis. qui suis-je, moi, pour critiquer ce gargarisme éditorial auto-satisfait? Si j'avais eu, moi aussi, l'honneur d'être publiée dans des revues merveilleusement confidentielles, nul doute que je m'en glorifierais et le crierais sur tous les toits possibles.
Quoi de plus humain ?

Mais c'est bien sûr du roman qu'il va falloir parler ici. Alors précisons d'emblée que l'héroïne est une nonne «queer » , réformée des drogues et des excès en tous genres et chargée d'une lourde culpabilité familiale, qui plus est tatouée jusqu'aux yeux, et affublée d'une somptueuse dent en or. Elle va se lancer dans une enquête pour essayer de sauver sa communauté. Enquête pour laquelle je ne la trouve pas particulièrement douée puisque les rares indices qu'elle récolte sont placés volontairement sur son chemin, et que c'est tout à fait fortuitement qu'elle entrevoit la vérité.
Quant au final, dans le genre « Plus j'en ferai des tonnes, mieux ça vaudra », il est carrément grandiose.

Stop! On s'arrête 30 secondes! Tout ça pour une seule et même nonne/ personne, vous êtes sûrs? Pour moi, c'est un peu comme si Victor Hugo, fignolant sa Fantine, s'était dit: la prostitution, les dents et les cheveux vendus, le côté sacrificiel jusqu'à plus soif, ce n'est pas encore assez. Il me faut le petit détail qui sonne juste. Et si j'en faisais, en plus, une sourde-muette de naissance, paraplégique, qui plus est….?
Notez que je n'ai rien, ni contre les nonnes, ces saintes femmes, ni contre les queers, ni contre les tatouages, ni contre les dents en or, a fortiori contre les fauteuils roulants, et ne considère aucunement que ces spécificités, en soi, sont des calamités comparables à ce que pouvait être le statut de la fille-mère prostituée, au 19 ème siècle…Non, c'est plutôt, c'est vraiment, l'accumulation qui me gêne. Même dans le genre « Chargeons la barque », il est permis de faire plus subtil.
D'ailleurs, j'avais presque failli écrire: « Nonne, et tout ça et tout ça, et pourquoi pas aveugle , pour faire bonne mesure? « . Eh bien figurez-vous que c'est presque le cas!
L'auteure a visiblement été tentée ( son personnage a un oeil abîmé par un éclat de braise). Mais , finalement, elle s'est ravisée. On suppose que son éditeur, ou agent littéraire, en tout cas la personne qui a rédigé ou traduit, la «Présentation de l'auteure » lui aura dit, sagement: « Tu sais, Margot, avec cet avant-texte, on y va déjà un peu fort.
Je t'assure: restons sobres ».

Alors je vous en veux un peu, un tout petit peu, chères lectrices et amies qui ici même, sur BABELIO, avez laissé des critiques intelligentes , subtiles ( bien plus intelligentes et subtiles que le roman, à mon humble avis!) qui m'ont donné à penser que ce livre pouvait être pour moi. Tout comme vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, d'avoir méchamment étrillé ce roman , que vous avez aimé.
Mais nous le savons bien, c'est comme ça, et c'est la règle du jeu. Et finalement, non, je ne vous en veux pas le moins du monde. On se fourvoie dans des univers qui ne sont pas tout à fait les nôtres, mais on n'en mourra pas…. Ça s'appelle la curiosité. (Ça ira mieux la prochaine fois!).
Quant à dire ce que je pense vraiment de ce livre, je le résume ici en quelques lignes: j'ai lu infiniment meilleur, mais il m'est arrivé aussi de lire dix fois, cent fois pire.Car le personnage de la nonne punk, les réflexions sur
l'amour de Dieu, tout cela n'est pas inintéressant. Mais l'auteure y va vraiment à la pelleteuse ( le thème du feu, par exemple, est traité avec une délicatesse de bulldozer).

C'est pourquoi je pense, chère Margot D., que finalement c'est bien vous qui avez écrit cette calamiteuse «Présentation de l'auteur », si indigeste, si boursouflée, et non un quelconque quelqu'un de votre maison d'édition. Aussi, laissez-moi vous donner un conseil:
La prochaine fois que vous serez éditée en France, faites plutôt appel à moi: vos lecteurs ont la plus grande envie de savoir comment vous fêtez Noël. Si vous préférez le badminton au skate-board; ce que vous pensez de la scarification, du bidge-drinking… Tout à fait entre nous, vous seriez plutôt muffins, ou pancakes? Est-ce que vous jouez bien au poker…?
Et puis, avec votre permission, je vous organise un petit séjour chez les dentellières du Puy. Je vous assure, cela vous sera très utile pour votre oeuvre à venir.
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