Nicolaas se tait. Une grosse larme roule sur sa joue. Je suis l’eau salée jusqu’à l’arrête des lèvres, je chuchote petite rivière ne pleure pas. Mon frère renifle. Il se met à rire, imperceptiblement d’abord puis de plus en plus bruyamment jusqu’à ce que son buste entier tremble. Je ris avec lui. Il essaie de reprendre son souffle, articule deux syllabes puis repart. Au bout de quelques minutes, il a un hoquet incontrôlable, ce qui me fait rire encore plus fort. Lorsqu’enfin on se calme un peu, Nicolaas se tourne vers moi et dit, est-ce que toi aussi ça t’arrive de te rappeler de souvenirs qui n’existent pas?
Je pourrais dire que je tiens à eux comme à la prunelle de mes yeux. Je pourrais dire aussi qu’ils sont les pommes de mon regard
J'ai l'impression d'avoir envie de faire un métier qui n'existe plus.
Nous on ne croit plus en Dieu, mais tu penses qu'avec tout ce qu'il se passe, Dieu il croit encore en nous?
Le burn out c'est la maladie des gens qui prennent soin.
En français ils perdent la tête. En néerlandais ils perdent le chemin. Ze zijn de weg kwijt.
Il ne faudrait pas dire nature morte. Il faudrait dire vie silencieuse. Stilleven.
Le visage de mon grand-père
Le visage de mon grand-père est penché vers le
bureau en acajou de Mama. Ses genoux sont pliés sur
la chaise à roulettes. Un bout de cuir noir déchiré
fait apparaître la mousse en dessous. Il coince sa
langue entre les dents. Il tient un stylo-plume. Je
demande, Opa, wat doe je, tu fais quoi ? Il ne lève
pas la tête. Je m’approche. Sur le plateau de la table,
il grave des mots incompréhensibles. Je pose ma
main sur la sienne, Opa on fait pause deux minutes.
Je te donne une feuille, d’accord ? Mon grand-père
me regarde. Il ouvre la bouche. Il dit, je cherche ma
femme, vous ne l’auriez pas vue ?