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Critique de StCyr


StCyr
10 décembre 2014
Paris, Hiver 1917. Un soldat du front, sans famille, laissé en permission anticipée, à cause de l'hécatombe humaine, plonge, sans transition, de l'ascétisme raisonné et accepté du front, dans la vie de Paris, la vie des femmes, des planqués, la vie hystérique et artificielle de l'arrière. Gilles est plutôt nigaud et ingénu, un peu falot, aimant se faire dorloter, tout en étant cynique et conformiste par certains côtés; c'est un être taraudé par le désir et la convoitise.

Le ton, froid, cassant, sans concession, aggravé par les épisodes de monologue intérieur du parvenu qu'est Gilles, permette à Drieu la Rochelle d'illustrer la décadence absolue et irréversible d'une société entretenue par le cynisme d'une vie sans perspective, ni rêve, où l'amour est un jeu de dupe et où la recherche du plaisir effrénée tâche de maquiller l'absurde et l'horrible de la guerre. C'est une mise à nu des bassesses humaines, de la stupide vanité des êtres... Gilles est un personnage complexe, terriblement humain dans ses contradictions et ses inconséquences. Ses tentatives de franchise pure sont contrecarrées par l'aptitude qu'ont ses interlocuteurs à préférer vivre dans les illusions qui les bercent et les rassurent; son attitude semble lui être dictée comme s'imposant à lui du dehors. Roman de formation et roman à clef, Gilles est d'un abord plutôt difficile par son style et son contenu. le personnage évolue; l'on suit ses atermoiements incessants en terme de relation féminine et de formation politique. Dans une sorte de solde de tout compte avec des amitiés périmées, Drieu charge les Surréalistes (le groupe Révolte du livre), présentés comme un ramassis de destructeurs par désespoir, de révolutionnaires aux petits pieds, épateurs de bourgeois, démagogues incurables, véritables ferments de décadence. Breton (Caël) en gourou de secte maniaque et fumeux, et surtout Aragon (Galant) en être arrogant, envieux, cynique, mesquin, lâche, manipulateur à la solde de la police, ont dû apprécier... le gouvernement radical, sa politique tiède et permissive font aussi les frais de la prose pamphlétaire de l'auteur. le livre s'achève dans les troubles politiques du 6 février 1934 et sur la guerre civile espagnole, annonciateurs des bouleversements planétaires à venir, et sur une dernière pensée, nietzchéenne, de l'éternel retour. Paru en 1939, ce roman prend une dimension singulière au vue des événements qui allaient déferler; il est intéressant pour la compréhension du climat de la France d'après guerre, et des forces et idéologies en présences avant la seconde déflagration mondiale. A lire comme le pendant d'Aurélien d'Aragon.
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