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Critique de nadejda


Cette correspondance entre Pierre Drieu La Rochelle et Victoria Ocampo, où ne figure malheureusement que 16 lettres de Victoria Ocampo, est riche, passionnante et bouleversante car entre 1929, année de leur rencontre passionnelle à Paris, et le 15 Mars 1945, date du suicide de Drieu, ces deux êtres resteront malgré leurs différents et la distance géographique que vient rompre les séjours réguliers de Victoria à Paris et un voyage de conférences de Drieu en Argentine, très proches l'un de l'autre.
«Je suis très heureux de pouvoir venir en Argentine et de vous voir chez vous dans toute votre sérénité. Je suis sûr que notre grande amitié y gagnera, notre amitié qui est aussi de l'amour. Et l'amitié et l'amour, au-delà d'un certain point, c'est la même chose» (Drieu à Victoria début 1932)

Dans ces lettres Drieu se confie à Victoria, lui fait part de ses difficultés d'écrivains, de ses doutes et elle le soutient tout en restant très lucide. Ils échangent également sur leur lectures, sur leurs rencontres etc..
Si leur lien se distend quelque peu au fil des années et de l'engagement politique de Drieu, il redevient plus étroit avec la montée des tensions qui vont aboutir à la guerre, quand Victoria et Drieu sentent qu'ils ne se reverront sans doute plus. Et leur échange est touchant. Comme Victoria on en oublie les muffleries de Drieu pour s'attacher à l'amitié amoureuse qui renait.

Victoria à Drieu Mar del Plata 23 février 1940
«Il y a sur la plage où je vais tous les matins un gosse de 6 ans avec un maillot de bain vert qui te ressemble (avec des cheveux blonds en plus) d'une façon tordante et touchante. Même quand il tire la langue pour faire enrager sa soeur qui le fait enrager en lui lançant des seaux d'eau à la figure. Il tire la langue et crie «Tha Tha Tha» tout à fait comme tu le ferais si tu avais à le faire. Cela m'a donné grande envie de te voir bien que tu sois si porc avec moi que je devrais être dégoutée à jamais de ta personne. le fait est que je n'y parviens pas.»

Drieu à Victoria fin mars 1940
«Ta lettre amicalement tendre a touché le point toujours sensible dans mon coeur où je me souviens et j'espère en toi. Nous nous sommes rencontrés un peu vieux pour la passion, un peu jeunes pour l'amitié ; et le malentendu a rempli de ronces beaucoup de nos années. Et puis, nous avons été distraits l'un de l'autre par d'autres êtres. Pour moi, je peux faire si peu de choses à la fois. La multiplication des besoins et des possibles de l'âme m'a toujours laissé stupide. Mais je suppose que travaille dans nos coeurs, que nous le voulions ou non, une secrète hiérarchie de nos dilections.»

Dans des lettres à Roger Caillois Victoria écrit en 1942 :
«Je crois avoir été pour Drieu, en fin de compte une terre ferme. Je ne voudrais pas qu'il eût l'impression que cette terre manquait sous ses pieds au moment peut-être le plus difficile de sa vie.»
«Je l'aime toujours et il m'exaspère toujours de la même façon(...) Il doit beaucoup souffrir en ce moment. Il doit se torturer du matin au soir.»

La dernière lettre que Drieu écrit à Victoria, juste avant sa première tentative de suicide en août 1944, se termine par ces mots «J'aurais aimé te revoir»
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