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Critique de JustAWord


Spécialisées dans le format court, les éditions 1115 alignent une jolie collection de nouvelles et de novella, donnant par la même occasion la possibilité à de nouvelles plumes françaises de faire leurs premiers pas littéraires. C'est le cas d'Esmée Dubois dont la novella Traduction vers le rose nous offre une fantasy inattendue en l'espace de 136 pages… et tout commence dans un pays appelé Sable en compagnie d'une Reine et de sa soeur de lait, Markowèfe.

Découpé selon le point de vue des personnages successifs que rencontre le lecteur, Traduction vers le rose visite un pays où les secrets s'enterrent et où le froid menace. Markowèfe, recueillie par Méroflède et ainsi soeur adoptive de la Reine du royaume de Sable, se découvre une passion pour les plantes et leur don incroyable : celui de capturer les mots , les harmonies et la musique. Elle devient ainsi la pépiniériste royale et conserve les secrets de son peuple du haut de sa Tour. Un jour pourtant, une enfant très particulière va naître.
Une enfant « insensible » au chaud, une enfant de sang royal, fruit de l'union de la Reine et de son époux ZEz.
À la fois gênante et effrayante pour ses parents, voici que la petite Begga est confiée à Markowèfe juste avant qu'une catastrophe se produise et que le froid ne commence à remonter du fleuve. Frigorifiés, les habitants de Sable perdent peu à peu espoir jusqu'au jour où l'étrange don de Begga est révélée à tous : elle peut traduire le froid en chaleur et sauver son peuple du désastre.
Mais tout a un prix…
Esmée Dubois surprend dès les premières pages.
Non seulement par son écriture poétique et ensorcelante mais aussi, et surtout, par son univers original qui convoque en douce pas mal de problématiques actuelles.
Traduction vers le rose est une novella de fantasy atypique qui prend le pari du récit choral pour nous montrer les deux points de vues d'une histoire et faire réfléchir sur l'impact de l'oppression sur le climat et sur l'avenir.

Ainsi, le lecteur apprend à connaître cette étrange monarchie matriarcale où les hommes ne sont guère présents, et où la sororité ne semble pas si forte qu'il n'y paraît, ou, du moins, plus médiocre qu'on ne s'y attendrait.
Petit à petit, Esmée Dubois construit la mythologie de son univers pour nous parler de plantes qui capturent les mots et les emprisonnent dans leurs racines, de jeunes femmes à la fois maudites et bénies qui vont devenir corvéables à merci pour le bien commun (rappelant en cela la sublime nouvelle Ceux qui partent d'Omelas d'Ursula K. Le Guin), et d'un système d'oppression économique qui mène à une catastrophe climatique. Sous ses dehors d'une fantasy hautement poétique, Traduction vers le rose pense aujourd'hui et demain, avec un peuple qui en exploite un autre pour une certaine ressource et cette ressource même qui sera la cause d'un bouleversement majeur du climat les condamnant aux dernières extrémités. C'est surtout un texte au féminin, sur des femmes victimes des leurs, condamnées à la solitude et à la tristesse pour ce qu'elles sont. Traduction vers le rose utilise des images fabuleuses, comme ce fameux principe de traduction de l'air froid en air chaud ou cette fleur qui cache vos pas et qu'on appelle « Pudique », mais aussi des rencontres, d'une mère rongée par le remord et d'une enfant abandonnée trop tôt, d'un grand-père soucieux et de sa petite-fille à part, d'une jeune conductrice perplexe et d'une traductrice qui rêve un jour de voir le froid.
C'est en réalité un grand texte qui se cache derrière cette courte novella, trop courte d'ailleurs pour son propre bien et qui se finit certainement trop abruptement tant il semble y avoir encore bien des choses à dire sur Sable et sur le peuple Grusien, sur le charbon blanc et les bêtes froides, sur les traductrices et leurs mères.
Espérons donc qu'Esmée Dubois ne soit qu'au début de son voyage…

Inventif, poétique, intelligent et subtil.
Autant de qualificatifs qui s'appliquent naturellement à Traduction vers le rose qui ne fait pas qu'offrir un univers fabuleux à son lecteur mais l'invite également à réfléchir sur ce que nous sommes prêts à sacrifier pour la chaleur de l'autre. Esmée Dubois fait une entrée remarquée (et remarquable) dans le monde de l'imaginaire français.
Lien : https://justaword.fr/traduct..
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