Un mur de roses rouges s'élevait jusqu'au ciel. Des pétales délicats voletaient sous la brise du soir et la rosée humide les faisaient parfois scintiller comme des perles. Une odeur entêtante les entourait et embaumait l'air d'un parfum ensorcelant. Même dans l'obscurité, les fleurs semblaient luire. Mais alors qu'on s'en approchait, on pouvait voir la vraie nature de ce qui se dressait, massif, imposant et majestueux, comme s'il voulait atteindre les cieux. L'arbre, entièrement recouvert de ses roses écarlates, devait avoir plus d'un millénaire pour avoir atteint une telle hauteur et épaisseur. Son tronc était aussi large qu'une maison et ses rameaux s'étendaient presque sur toute la clairière où il se tenait.
Pour Adrian, il s'agissait de la chose la plus sacrée du domaine. Aussi, lorsqu'il vit l'ombre de l'intrus s'apprêtait à verser quelque chose sur les racines noueuses qui crevaient le sol, il rugit et bondit.
Aime et sois aimé en retour, ou tu connaîtras l'abysse de la solitude pour toujours.
La responsable de sa situation et celle qui venait de cogner volontairement dans le seau d'eau sale qui lui servait à nettoyer les dalles du couloir dans lequel ils se trouvaient.
- Oh, pardon, lâcha la blonde, esquissant un sourire hypocrite. Je suis tellement maladroite, je ne vous avais pas vue.
- Ce n'est pas comme si vous pouviez voir autre chose que vous-même, répliqua Méliane entre ses dents. Remarquez, à votre place, moi aussi je regarderais dans le miroir pour espérer effacer mon visage de garce. Dommage que les miracles n'existent pas.
Monstre !
J'effacerai ton existence.
Tu as le cœur d'une bête, une bête tu seras.
Il ressemblait à un prédateur. Dangereux, sauvage et il était aussi autre chose. Quelque chose d’indéfinissable.
La joie avait disparu de l'existence de son ami bien avant que son corps ne se couvre d'une fourrure à faire pâlir d'envie toutes les perruquières du pays.
Une silhouette armée se glissa derrière son frère.
- Nick !
- Je t'aime, Méliane !
Elle hurla à s'en déchirer la poitrine, le coeur en morceaux.
- Nick !!
Il disparut de son champ de vision alors que Sher partait au galop. Méliane cria et se débattit. Elle voulait rester, elle aussi voulait se battre. Elle voulait mourir avec eux. Des sanglots de peine et de rage la secouèrent. Tillian tenta de la maintenir contre lui, de la raisonner, mais elle ne l'écouta pas. La jeune femme griffa son bras qui lui enserrait la taille et se pencha sur la crinière de Sher.
- Méliane !
Le cri de Tillian ne l'arrêta pas. Les cheveux sombres de Méliane volèrent sur son visage et l'aveuglèrent. La jeune femme donna un violent coup de hanche et fut éjectée de Sher. Elle tomba au sol avec brutalité et sa tête heurta une pierre. Une douleur intense explosa dans son crâne...
- Je ne pouvais pas continuer à faire honte à mon père en montrant de façon aussi ostentatoire que j'étais une fille étrange, incapable de trouver sa place.
- Foutaises.
Adrian eut un regard dur et se leva brusquement pour faire le tour de la table. Sa main glissa autour de sa taille et il la releva alors qu'il approchait son visage près du sien.
- Regardez-moi, Méliane. Regardez-moi bien. Pensez-vous un seul instant qu'une autre que vous aurez pu discerner l'homme qui se cache sous cet aspect de monstre ?
La jeune femme posa ses doigts sur ses lèvres pour le faire taire.
- Vous n'êtes pas un monstre, Adrian. Vous ne l'avez jamais été. Je n'ai rien fait de plus que de voir au-delà des apparences.
- Exactement, souffla-t-il avec sérieux. Et celle qui a accompli cet exploit, c'est vous, Méliane.
- Un jour, tu m'as dit que tu désirais vivre cent ans à mes côtés, chuchota-t-il d'une voix basse et sourde. Cela ne me suffit pas. Je veux l'éternité.
Les pétales écarlates des roses dansent devant ses yeux, comme la neige qui virevolte un soir d'hiver.