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Critique de 5Arabella


Une biographie publiée il y a trente ans par un grand spécialiste du XVIIe siècle, et qui a édité les Fables, donc un familier de l'oeuvre.

En préambule, je tiens à souligner à quel point il peut être quelque peu frustrant de lire des biographies des hommes de cette époque. En effet, peu de traces de la vie, de ce qu'a été l'homme. Peu de lettres ont survécu par exemple, et souvent, surtout chez un homme de lettres, elles étaient des morceaux de bravoure, destinées à circuler, à être lues dans un cercle, plus que l'expression de sentiments ou d'opinions intimes et personnelles. On se base donc sur des documents officiels, juridiques entre autres, actes de mariages, achats et ventes de biens, procès etc. Eventuellement des écrits des gazettes ou ce que ses contemporains ont pu en dire, en sachant que tout cela obéit à des codes précis. Mais on ne peut pas réellement avoir accès à l'intime d'un homme, on peut juste inférer.

Né en 1621, dans une famille de bourgeoisie aisée à Château-Thierry, La Fontaine était destiné à suivre la carrière paternelle de maître des Eaux et Fôrets, dans le meilleur des cas à s'enrichir encore davantage, voire viser l'ennoblissement, qui validait en quelque sorte la réussite sociale. Il devait devenir un notable de province, ce qu'il a d'ailleurs été une partie de son existence. Comme la plupart des jeunes de sa condition, il fait des études de droit, où il rencontre des joyeux compagnons, poètes qui taquinent les muses, fait un bref passage par l'Oratoire, mais décidément la religion n'était pas sa vocation. En 1647 son père arrange un mariage avec une jeune fille de la même condition sociale, ce qui permet d'agrandir le patrimoine familiale. Il partage les fonctions de maîtres des Eaux et Forêts avec son père, et après sa mort l'occupe tout entier. Il partage son existence entre la province et Paris. Il finira par se débarrasser de sa charge, se séparer plus ou moins de sa femme, même si officiellement ils sont toujours mariés et gardent des relations. Il dilapidera l'héritage familial, entre autres à cause de sa passion pour le jeu. Il vivra la vie d'un célibataire impécunieux, subsistant surtout grâce à des amis, une sorte de vieillard indigne, même si académicien. Il finira par se convertir à la toute fin de sa vie.

Il écrit sans doute dès sa jeunesse, mais publie tardivement, à 33 ans, une pièce de théâtre, L'Eunuque, qui a été un échec. Il rêve à la grande littérature, poésie ou théâtre, mais en fréquentant Foucquet et son cercle, et pour plaire dans ce milieu, écrit des petits poèmes galants, s'adapte en quelque sorte. La chute du puissant surintendant sera un coup rude. Il va s'essayer à différents genres, sans grand succès, mais il commencera à acquérir une forme de reconnaissance, même si quelque peu scandaleuse, avec ses Contes. Tirées de Boccace, des Cent nouvelles nouvelles etc, elles ne sont pas forcément originales, mais La Fontaine arrive à leur imprimer sa marque. Cependant, le XVIIe siècle devient de plus en plus intolérant pour ce genre de productions "licencieuses", et à la fin de sa vie, ces écrits lui seront fortement reprochés : il devra promettre de ne plus en écrire pour entrer à l'Académie, et devra les abjurer lorsqu'il sera vieux et malade pour obtenir le pardon de la religion.

Mais bien entendu, c'est avec ses Fables qu'il va donner le meilleur de lui-même. Genre mineur, peu reconnu, c'est pourtant celui qui va convenir le mieux à son talent, celui d'un conteur, et d'un homme sans doute plus à l'aise dans la forme brève que dans les grands genres. Il va transformer l'héritage antique d'Esope et de Phèdre, écrire des textes moins lapidaires, et dans lesquelles la moralité est parfois absente. Il va porter le genre à son apogée. Il semble avoir souffert d'avoir été identifié à ces oeuvres seules, qui ne lui permettaient pas d'être reconnu comme un grand auteur, même si dès la fin de sa vie, leur qualité et importance commençaient à être reconsidérées. Elles lui permettront toutefois de toucher un vaste public très rapidement. Et de traverser les siècles, ce que bon nombre de ses contemporains qui tenaient le haut du pavé, n'ont pas réussi à faire.

Cette biographie, peut-être un peu longue (il y a quelques répétitions par moments) m'a permis de mieux connaître l'homme et son époque, et de lire un peu différemment ses oeuvres.
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