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EAN : 9782213023649
Fayard (30/11/-1)
5/5   1 notes
Résumé :
559pages. in8. Broché.
Que lire après Jean de La Fontaine.Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une biographie publiée il y a trente ans par un grand spécialiste du XVIIe siècle, et qui a édité les Fables, donc un familier de l'oeuvre.

En préambule, je tiens à souligner à quel point il peut être quelque peu frustrant de lire des biographies des hommes de cette époque. En effet, peu de traces de la vie, de ce qu'a été l'homme. Peu de lettres ont survécu par exemple, et souvent, surtout chez un homme de lettres, elles étaient des morceaux de bravoure, destinées à circuler, à être lues dans un cercle, plus que l'expression de sentiments ou d'opinions intimes et personnelles. On se base donc sur des documents officiels, juridiques entre autres, actes de mariages, achats et ventes de biens, procès etc. Eventuellement des écrits des gazettes ou ce que ses contemporains ont pu en dire, en sachant que tout cela obéit à des codes précis. Mais on ne peut pas réellement avoir accès à l'intime d'un homme, on peut juste inférer.

Né en 1621, dans une famille de bourgeoisie aisée à Château-Thierry, La Fontaine était destiné à suivre la carrière paternelle de maître des Eaux et Fôrets, dans le meilleur des cas à s'enrichir encore davantage, voire viser l'ennoblissement, qui validait en quelque sorte la réussite sociale. Il devait devenir un notable de province, ce qu'il a d'ailleurs été une partie de son existence. Comme la plupart des jeunes de sa condition, il fait des études de droit, où il rencontre des joyeux compagnons, poètes qui taquinent les muses, fait un bref passage par l'Oratoire, mais décidément la religion n'était pas sa vocation. En 1647 son père arrange un mariage avec une jeune fille de la même condition sociale, ce qui permet d'agrandir le patrimoine familiale. Il partage les fonctions de maîtres des Eaux et Forêts avec son père, et après sa mort l'occupe tout entier. Il partage son existence entre la province et Paris. Il finira par se débarrasser de sa charge, se séparer plus ou moins de sa femme, même si officiellement ils sont toujours mariés et gardent des relations. Il dilapidera l'héritage familial, entre autres à cause de sa passion pour le jeu. Il vivra la vie d'un célibataire impécunieux, subsistant surtout grâce à des amis, une sorte de vieillard indigne, même si académicien. Il finira par se convertir à la toute fin de sa vie.

Il écrit sans doute dès sa jeunesse, mais publie tardivement, à 33 ans, une pièce de théâtre, L'Eunuque, qui a été un échec. Il rêve à la grande littérature, poésie ou théâtre, mais en fréquentant Foucquet et son cercle, et pour plaire dans ce milieu, écrit des petits poèmes galants, s'adapte en quelque sorte. La chute du puissant surintendant sera un coup rude. Il va s'essayer à différents genres, sans grand succès, mais il commencera à acquérir une forme de reconnaissance, même si quelque peu scandaleuse, avec ses Contes. Tirées de Boccace, des Cent nouvelles nouvelles etc, elles ne sont pas forcément originales, mais La Fontaine arrive à leur imprimer sa marque. Cependant, le XVIIe siècle devient de plus en plus intolérant pour ce genre de productions "licencieuses", et à la fin de sa vie, ces écrits lui seront fortement reprochés : il devra promettre de ne plus en écrire pour entrer à l'Académie, et devra les abjurer lorsqu'il sera vieux et malade pour obtenir le pardon de la religion.

Mais bien entendu, c'est avec ses Fables qu'il va donner le meilleur de lui-même. Genre mineur, peu reconnu, c'est pourtant celui qui va convenir le mieux à son talent, celui d'un conteur, et d'un homme sans doute plus à l'aise dans la forme brève que dans les grands genres. Il va transformer l'héritage antique d'Esope et de Phèdre, écrire des textes moins lapidaires, et dans lesquelles la moralité est parfois absente. Il va porter le genre à son apogée. Il semble avoir souffert d'avoir été identifié à ces oeuvres seules, qui ne lui permettaient pas d'être reconnu comme un grand auteur, même si dès la fin de sa vie, leur qualité et importance commençaient à être reconsidérées. Elles lui permettront toutefois de toucher un vaste public très rapidement. Et de traverser les siècles, ce que bon nombre de ses contemporains qui tenaient le haut du pavé, n'ont pas réussi à faire.

Cette biographie, peut-être un peu longue (il y a quelques répétitions par moments) m'a permis de mieux connaître l'homme et son époque, et de lire un peu différemment ses oeuvres.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
La Fontaine est à la fois causeur brillant et rêveur taciturne selon les personnes et les lieux, mais aussi selon son humeur. C'est un cyclothymique dont la joyeuse excitation cesse à la moindre contrariété et retombe facilement d'elle même. Il se grise de paroles, mais l'ennui, qui fait le fond de son caractère, a vite fait de reprendre le dessus. S'il va souvent jusqu'à la débauche, c'est qu'il cherche sans le trouver ce repos qu'il a vanté si souvent. Il s'étourdit dans le divertissement.
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Il lui arrivera plus d'une fois d'expliquer à son lecteur qu'il a dû se contenter d'écrire un ton au-dessous de ce qu'il aurait voulu faire. Ce n'est pas forcément de la fausse modestie. Il appartient à la génération où tout poète rêvait d'être un Homère. Mais personne, même Chapelain, n'y avait réussi...
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Vraies ou fausses dans le détail, les fables racontées sur La Fontaine sont trop nombreuses et trop convergentes pour ne pas révéler un trait fondamental de son comportement. Il a su ne pas vivre comme les autres, et il s'est servi de son étourderie pour y parvenir. Elle n'implique pas, comme l'ont cru de bonnes âmes, l'irresponsabilité du "visionnaire". Loin de la subir, il s'est servi de sa rêverie. Il l'a lucidement employée pour échapper à ses devoirs et à la morale de son temps. Il s'est arrangé pour qu'elle permette d'excuser à tout moment ses nombreux comportements marginaux.
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"Ce n'est ici, dit-il dans un Avertissement, qu'une médiocre copie d'un excellent original". Premiers mots d'un dialogue avec le lecteur poursuivi toute sa vie par un poète qui ne publiera rien ou presque sans lui expliquer ses intentions et solliciter ses réactions dans des Avis et des Préfaces. Comme s'il n'était pas tout à fait sûr du bien-fondé de son entreprise. Comme s'il avait besoin d'être compris et rassuré. A moins qu'il n'ait superbement triché, conscient que ce pseudo-dialogue était un excellent moyen de se concilier les bonnes grâces d'un public que personne ne saurait flatter mieux que lui en lui parlant, en le consultant, en le traitant d'égal à égal. Pour ses écrits, et bientôt dans ses écrits, ce rêveur fait preuve d'un sens aigu de la communication.
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Contre l'opinion de son siècle, La Fontaine affirme l'autonomie de l'oeuvre d'art. Sans incidence sur la vie, elle est une sorte d'exutoire qui permet de jouer à ce qu'on a pas le droit de faire. Puisque les contes sont des bagatelles, ils doivent garder leur caractère ludique. En se détournant de la littérature sérieuse vers les "contes à rire", l'auteur conquiert sa liberté.
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