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Citations sur Kenneth White : Nomade intellectuel, poète du monde (110)

Le «celtisme » désigne pour White une mentalité, une culture, une attitude
anthropologique combattues, étouffées mais non détruites ni par les conquérants romains ni
par la métaphysique dualiste d’une civilisation « continentale » qui a dominé depuis deux
millénaires notre mode de vie occidental et notre vision du monde ; à cette vision
« continentale » massive, figée, il oppose un mode de vie et pensée « archipélagique »,
« océanique », non coupée du monde naturel.
Non seulement l'art mais aussi la pensée médiévale du Continent fut fécondée par la
vision ardente et claire du réel immédiat, entre autres par les moines celtes ermites ou
errants souvent des lettrés :
Et si la poésie européenne a su garder, malgré tout, de la vigueur et de la
vivacité, c'est grâce à la composante celte de la population et au fond celtique de la
culture.(AT, p.133).
P 69
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White ignore délibérément notre Grand Siècle littéraire, tant baroque que classique, mais s’arrête sur Descartes, dont il récuse la métaphysique, tout en respectant sa méthodologie.
Lui-même épris de lucidité, il se dit fasciné par la pensée claire, l’évidence incisive du
philosophe du XVIIe siècle - mais à Descartes il préfère « des cartes du territoire » :
« Depuis que je les avais rencontrées, à l’âge de dix-huit ans à Glasgow, les méditations de
prima philosophia de Descartes m’avaient fasciné. Mais après m’être posé de plus en plus
de questions sur la nature de l’ « essence » et de l’ « essentiel », j’en étais arrivé à l’idée
d’une prima poesia, peut-être plus élémentale qu’essentielle. » (LAH)
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Tous les éléments constitutifs de la topographie whitienne (océan, rivage, île,
oiseaux, nord, blancheur), sont liés et appellent la même finalité ontologique, le « vide » que
traduit la prégnance de la lumière. Cette topographie réconcilie nature et culture, jouissance
sensorielle et intensité de la contemplation spirituelle.
Voyons de près les divers espaces de cette topographie, de cette topologie.
L'Océan, tel que le poète l'a vécu tout enfant, est une présence perpétuelle. Mais , à
part la partie de pêche dans « Fishing off Jura » (ETC), on voit peu le poète sur l'eau. Il
pratique plus volontiers la marche le long du rivage et sur l’estran. Depuis le rivage de sable
blond lavé par le vent et la pluie, le poète contemple les îles, abondamment peuplées
d’oiseaux de mer, plus chichement d’habitants humains frustes et taciturnes, et vues comme
des concentrations intenses d'énergie. A travers l'histoire, des moines celtes y ont fondé des
monastères, conservatoires de la culture écrite :
Rodel
Where the young men
Built the beautiful ship
That the sea coveted
And the « great cleric» lived
Who founded the grammar school in Paris
Rodel this evening
Is an empty harbour
A rusty iron wing
And a heap of red seaweed (M, p.54)
Rodel
Où les jeunes hommes
Bâtirent le beau navire
Que la mer convoita
Et où vivait le « grand clerc »
Qui fonda le Collège à Paris
Rodel ce soir
Est une jetée vide
Un anneau de fer rouillé
Un amas d’algues roses (M, p.55)

P 24
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A la différence de Beckett, il ne s’auto-traduit pas, et surtout ne passe pas d’une
langue à l’autre pour les mêmes motivations. Son utilisation du français le situe aux
antipodes de l’Irlandais:
Beckett a pu se convertir totalement au français dans la mesure où il produit
une littérature de l’absurde, extrêmement logique, pour laquelle cette langue
convient parfaitement. Par un certain puritanisme, il voulait se débarrasser de tout
ce qui était de l’ordre de la sensation ; je me trouve dans la situation inverse et suis
d’autant plus dépendant de la traduction. (PC, p.129 ; cf aussi PC, p.78)
La traduction, par la relation théorique et pratique qu’elle implique entre les deux langues,
ressortit pour lui à une dynamique d’ouverture linguistique et culturelle propre à dépasser
les blocages nationaux.
En tant qu’écrivain de langue française, White oeuvre à réduire l’écart, plus
considérable qu’en anglais, entre le parlé et l’écrit ; sa prose et sa poésie fourmillent de
tournures et d’expressions familières idiomatiques qui leur confèrent vie, énergie, saveur.
P89
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Le poète français duquel White se dit le plus proche est Saint-John Perse, par
excellence le poète « pour qui l’Atlantique était l’ouvert, espace de déploiement d’énergie ».
White lui consacre un court essai, « L’oiseau migrateur », dans La Figure du dehors. Il y dit
sa réticence devant une certaine « inflation verbale » et une certaine rhétorique classique qui
empêchent le poète d’Anabase d’aller « jusqu’au bout du néant, là où le néant devient
nudité, et la nudité nouvelle idée (au-delà de la dialectique de l’exil et du royaume » (FD,
p.120). « Et pourtant (...), combien tous ces textes donnent envie de poésie, éveillent le désir
de poésie, font vibrer dans toute leur force les plus hautes énergies poétiques.» (FD, p.124)
P102
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White se trouve donc amené à rapprocher les deux nomades, Rimbaud et Segalen,
pourtant si différents dans leur refus d’une situation « assise ». « J’ai interrogé Segalen un
peu de la même manière que Segalen a interrogé Rimbaud » (FE, p.10). Creusant sans
relâche la pensée de ces deux créateurs tôt disparus, il s’efforce de penser une continuité de
leur projet ontologique à l’intérieur du champ géopoétique.
Segalen apparaît comme un alter ego le plus proche de Kenneth White. Il est le
créateur sur qui White a le plus écrit à ce jour avec Thoreau. Dans les différents essais qu’il
lui consacre, allant vers un approfondissement, White suit toujours la même progression
biographique qui a mené le Breton de la Polynésie à la Chine, et jusqu’aux portes du Tibet :
un parcours marqué par trois livres: les Immémoriaux, Simon Leys, Stèles, et où le voyage
géographique correspond à l’ évolution existentielle et spirituelle de celui qui vécut ce
double parcours, intérieur et extérieur, consciemment voire délibérément ; « le voyage au
loin sera (...) un voyage à l’intérieur de soi-même ».(AT, p.78) « Il sait allier une vie de
sensation (dans son itinéraire, c’est Tahiti) à l’activité de l’esprit (c’est la Chine ), et aux
envolées de l’imaginaire (c’est le Tibet).» (PC, p.188)
Segalen annonce aussi le projet géopoétique par « une physique de l’écriture » (AT, p.79) :
Il pousse sa vie et sa pensée jusqu’aux limites. Et il dit tout cela au moyen
d’une parole dense, d’une écriture à la fois souple et tendue dont il a continué à
développer la pratique jusqu’à la fin de sa vie. Il cherche aussi d’autres formes de
littérature. C’est un des premiers à vouloir sortir de ce qu’il appelle « la forme
puérile du roman » et à cheminer, écrivant et pensant, d’une manière tout à fait
différente. Equipée, notamment, va dans ce sens. (PC, p.188)
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Le français ne fait pas problème à ce brillant étudiant en langues vivantes : la
pratique de deux langues à la fois proches et pourtant différentes dans leur approche du réel
immédiat lui apparaît comme une source d’enrichissement pour la pensée même.
S’exprimant tantôt en anglais, tantôt en français, White dit expérimenter un entre-deux
linguistique stimulant :
Le fait de me mouvoir entre deux langues me conduit à leur prêter plus
d’attention. Etre (un peu) étranger aiguise la vue, comme cela affine l’ouie. Et c’est
dans la distance, extérieure et intérieure, que l’on arrive, petit à petit, à élaborer un
style et une vision à soi, qui font voir le monde d’une façon nouvelle. (Réponse à une
enquête du journal Le Monde, « Eloge de l’Exil » , 11 mars 1983)
P 89
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Je me sens absolument chez moi en France, peut-être surtout en ce moment
(je parle de la deuxième moitié du XXe siècle) où les modèles flanchent. J’ai trouvé
ici le terrain culturel et intellectuel qu’il me fallait, et que je ne trouvais pas en
Grande-Bretagne (PC, p 165).
P 89
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Le territoire celte n'ayant jamais connu de système étatique, il était plus
ouvert, plus « sauvage» que beaucoup d'autres. Or, on ne greffe que sur le
sauvageon.
Ce territoire n'a jamais connu de système ontologique, si je puis dire. Comme
nous avons pu le constater, l'esprit celte perçoit surtout des mouvements rapides et
momentanés, son monde est un monde en mouvance, sans nature morte. Il est
instantanéiste, comme la logique bouddhiste. (FD, p.233-234)
« Comme les Japonais, les Celtes étaient toujours prompts à saisir le détail
révélateur. Ils évitent le lieu commun, et ils n'insistent jamais. Un indice leur suffit, et
la chose dite à moitié leur est la plus précieuse ». (Kuno Meyer, cité FD, p.213).
P 68
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Ce que j’aime, c’est un style ferme, vigoureux, ouvert. Peut-être trouve-t-on
dans le mien une rudesse anglo-saxonne alliée à une extravagance celte (jeux de langage, néologismes, combinaisons variables de consonnes et de voyelles etc.). (LP,
p.134)

P 60 61
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