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Critique de beatriceferon


François a dix-neuf ans et est encore lycéen, mais on ne peut pas dire que les études le passionnent. En revanche, lorsqu'il s'agit de crayonner dans son carnet, il répond toujours présent. Tout son temps libre, il le passe dans la prairie des Landry, les fermiers voisins, à représenter leurs animaux.
Mais François est loin d'être un simple rapin du dimanche. Son professeur a bien décelé son don et voudrait qu'il intègre l'académie. Convaincre les Dufour d'envoyer leur fils à l'école des arts est loin d'être partie gagnée. Qui a besoin de peindre ? C'est un loisir réservé aux riches. François doit apprendre « un vrai métier ». Toutefois, Monsieur Tonnay a des arguments, dont le plus solide est que les cours sont gratuits. Dès lors, les parents acceptent.
Bientôt, la fille des Landry demande à intégrer la classe, car elle aussi aime manier couleurs et pinceaux.
C'est alors que les ennuis commencent.
En parcourant la liste des romans proposés pour l'opération Masse critique, je remarque un titre : « Les deux mésanges ». Ces charmants petits volatiles qui peuplent mon jardin me plaisent beaucoup. Ce sont eux qui titillent ma curiosité.(Depuis, le livre a changé de nom, qui est devenu « Les toiles de la discorde », mais ce n'est pas très important). En parcourant la quatrième de couverture, je constate cependant qu'il n'est nullement question d'ornithologie. Ce récit se situe en Haute-Loire et concerne la peinture. Eh bien, c'est parfait. L'art n'est-il pas un de mes sujets de prédilection et la Loire un fleuve particulièrement cher à mon coeur ? Chaque année, j'ai rendez-vous avec ses rives. Il est vrai que, pour moi, il s'agit d'une tout autre région, puisque ma Loire à moi coule entre Blois et Chambord. Mais, dans notre jeunesse, mon mari et moi somme partis à la découverte de ses sources au Mont Gerbier-de-Jonc (quelle surprise de constater qu'un aussi mince filet d'eau était à l'origine d'un fleuve aussi majestueux!) et nous avons eu l'occasion de visiter quelques endroits non loin des lieux du récit.
C'est pourquoi j'ai postulé pour cet ouvrage que j'ai gagné.
Ce qui m'a surtout plu, ce sont les paysages sur lesquels Albert Ducloz s'attarde avec talent. « Née bergère, la jeune Loire prend en aval des airs de bourgeoise, baigne des paysages légendaires, s'étire entre de sombres forêts, joue sous les ponts. Ses flots aiment à s'alanguir près des berges fleuries, à refléter dans leur cours quelques ruines féodales qui la regardent de haut. »
Avec les deux jeunes artistes, le lecteur se risque au coeur des futaies, déniche des rochers gigantesques tombés au milieu de l'eau, des terrasses pleines de géraniums, des arbres en toutes saisons, canote sur le lac, pénètre dans un beau château, escalade les flancs du Mont Mézenc, s'amuse à contempler les ébats des veaux et des poulains dans la prairie des Landry.
Le père de François est l'ami de Monsieur Tonnay. Bien qu'issus de deux mondes différents, les deux hommes ont une passion en commun : l'apiculture. François se lance dans l'entretien des ruches et la récolte de leur produit. « J'apprends à ôter quelques opercules de cire et à placer les cadres dans l'extracteur afin de recueillir le miel par sa force centrifuge. » Cela me parle. C'est un des moments que j'ai préféré, même s'il est très bref. Il m'a fait faire un bond dans le temps et retrouver mon grand-père, grand ami et défenseur de la nature et des animaux, qui nous avait initiées à ce rituel quasi magique : il suffisait de donner quelques tours de manivelle, à la bonne cadence, pour voir couler l'or épais et liquide.
J'ai apprécié constater que Monsieur Favre, le professeur de l'académie, n'avait pas d'a priori et accueillait Émeline avec enthousiasme, décelant chez elle un talent peut-être encore plus affirmé que celui des garçons.
En revanche, je dois bien avouer que cette lecture m'a globalement déçue.
Les pages regorgent d'invraisemblances. Je n'en révélerai que quelques unes : nos deux artistes en herbe dénichent un endroit dans lequel personne ne s'aventure jamais en dehors de la période de fenaison (le grenier de la grange). Bien éclairé, il fournira un atelier idéal pour peindre et poser en toute tranquillité. La toile est cachée dans un meuble au rebut abandonné dans un débarras au fin fond de la pièce. Pourtant, il ne faudra que quelques heures aux deux pères de famille pour l'exhumer.
Sébastien Favre est un enseignant plein de tact et d'attention, ainsi qu'un époux merveilleux et passionné. En un instant, cet homme extraordinaire, dont on nous chante les louanges depuis si longtemps, se mue en jaloux, cupide et brutal. Pourtant, il n'avait pas hésité à ouvrir sa porte et son atelier à ses protégés et les invitait souvent au restaurant (et pas dans des gargotes!) Ce n'est pas faire preuve de radinerie.
Les parents qui font une crise parce que leur fille a posé pour François laissent tout à coup les jeunes gens (dix-sept et dix-neuf ans) partir seuls en forêt pendant des heures et même, finissent par les laisser dormir ensemble (nous sommes tout de même dans les années cinquante et à la campagne. Ma mère m'aurait étranglée si j'avais fait de même vingt ans plus tard).
Tout sourit à François. Tant mieux, mais peu crédible. Alors que la vie d'artiste est tellement aléatoire, lui voit les portes s'ouvrir devant lui comme par magie. Il rencontre les bonnes personnes : amateurs d'art fortunés, galeriste prêt à exposer un inconnu , une comtesse qui se révèle avoir été modèle pour la bohème parisienne, à l'esprit large et progressiste. Tous lui offrent généreusement de belles sommes pour ses oeuvres.
Il y a plusieurs contradictions. Par exemple, François peint Clara et ajoute deux mésanges voletant alentour sur son tableau. Plus tard, il prévoit de réaliser une toile qui portera ce titre (« Les deux mésanges ») et Clara, surprise, l'interroge. « C'est un secret entre elle [Émeline] et moi », lui rétorque le jeune homme.
Le peintre et son modèle réalisent des portraits où la jeune femme pose dans l'eau, même en hiver, sans attraper ni rhumatismes ni pneumonie. Bien entendu, le soleil est toujours de la partie, quels que soient le mois ou la saison.
Trois ou quatre fois, la description de la figure féminine est reprise, quasi dans les mêmes termes. L'une et l'autre des deux femmes ( bien évidemment toutes deux belles comme des déesses) ont des « petons mignons ».
J'ai lu ce roman avec un certain plaisir, mais, quand je l'ai refermé, je l'ai tout de même jugé très « nunuche ».
Ce qui ne m'empêche pas d'adresser mes remerciements à Babelio et aux éditions De Borée qui me l'ont envoyé.
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