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Critique de Lamifranz


Le Vicomte de Bragelonne est, comme on le sait, le dernier volet de la trilogie des Mousquetaires. A lui seul il est deux fois plus gros que Les Trois mousquetaires et Vingt ans après réunis ! C'est un pavé, que dis-je un pavé, une avenue de pierre ! Est-ce la raison pour laquelle on en parle mois que les autres volets ? Je suppose que non, sinon les trois-quarts de la Comédie humaine, passeraient à la trappe. Est-ce parce que l'action s'étire plus dans le temps ? Que les héros, vieillissants, ne sont plus ni si agiles et virevoltants, mais au contraire plus désabusés ? Est-ce parce que les valeurs prônées dans les deux premiers volets (courage, honneur, fidélité) sont battues en brèche au nom de l'arrivisme, de l'opportunisme, de la servilité courtisanesque ? Je suppose encore que non, bien au contraire ce sont des éléments qui donnent un autre tour à la trilogie, qui, en tournant le dos aux héros immortels, nouveaux Achille, nouveaux Ajax, nouveaux Ulysse, acceptent de vieillir avec eux et de nous les faire aimer, justement pour ça.
Car, comme Les Trois Mousquetaires étaient le roman de la jeunesse, comme Vingt ans après étaient celui de l'âge mûr, le Vicomte de Bragelonne est celui de la vieillesse. Je parle de la vieillesse des mousquetaires, bien sûr. Car il faut bien comprendre une chose : le héros du Vicomte de Bragelonne n'est pas Raoul, le fils d'Athos, personnage sympathique, si l'on veut, mais bien trop sentimental (à la limite du nunuche), même s'il démontre d'autres qualités (un peu trop, parfois, pour un seul homme). Non, les héros du Vicomte de Bragelonne, sont bien nos mousquetaires, certes plus vieux, mais moins soudés, pleins du regret de leur vie antérieure, et désabusés par les nouvelles pratiques de cour. Les valeurs héroïques "à l'ancienne" n'ont plus cours : on entre dans une nouvelle ère, celle de l'intrigue, des coups bas, du mercantilisme, de la manipulation... Les âmes pures n'ont plus de place dans ce nouveau système. C'est pourquoi nos héros quittent la scène, un à un, sauf Aramis, mais il y a beau temps qu'Aramis a cessé d'être une âme pure...
Ce fil rouge - la vieillesse des Mousquetaires - s'inscrit dans une trajectoire historique passionnante, celle de la prise du pouvoir par Louis XIV. On assiste à la mort de Mazarin, à l'ascension de Colbert, à la chute de Fouquet. En parallèle se déroule l'épisode mythique du Masque de fer (où Dumas reprend à son compte une théorie fumeuse élaborée par Voltaire au siècle précédent, mais avec tant de vérité qu'on y croirait presque !)
C'est l'occasion aussi pour Dumas de nous régaler d'une galerie de personnages hauts en couleurs : la pétillante Montalais, qui fait le pendant de l'insipide Louise de la Vallière, les duettistes Malicorne et Manicamp, l'inconséquent Monsieur, la jolie mais trop séduisante Madame, le machiavélique chevalier de Lorraine, et Guiche, et Buckingham, et Wardes...
Dumas avec son talent fou (qu'il partage avec son co-auteur Auguste Maquet), nous réserve aussi quelques pépites comme cette scène où Porthos donne à Molière l'idée du Bourgeois gentilhomme, ou cette autre dans laquelle il fait avec le roi un concours de bâfrerie.
Non, il ne faut pas être rebuté par le volume et l'ampleur du Vicomte de Bragelonne. L'intérêt du lecteur est soutenu de bout en bout, grâce à la verve inimitable de l'auteur, à son génie de conteur inlassable, grâce aussi à la mélancolie qui accompagne nos héros, eux qui nous ont accompagnés depuis si longtemps.
Et puis, quand vous aurez fini, dites-vous bien qu'il vous reste encore des dizaines d'autres Dumas à lire !
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